Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/242

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chevalier, quelle est la vôtre, quand vous en appelez sans scrupule à ce qu’il y a de plus sacré à vos yeux, à l’instant même où vous vous proposez de violer le plus solennel des vœux que vous avez fait comme chevalier et comme religieux ?

— Très bien et très gravement prêché, ô fille de Sirah ! Mais, ma douce Ecclésiastica, les préjugés étroits de la nation juive s’opposent à ce que tu connaisses l’étendue et le nombre de nos privilèges. Le mariage serait un crime horrible chez un templier ; mais pour toute autre folie à laquelle je puis me laisser aller, je recevrai bientôt l’absolution à la préceptorerie la plus voisine. Le plus sage des monarques de votre peuple et son père, dont vous conviendrez que les exemples doivent être de quelque poids, ne jouissaient pas de privilèges plus étendus que ceux que nous, pauvres soldats du temple de Sion, nous avons gagnés par notre zèle à le défendre. Les protecteurs du temple de Salomon peuvent se permettre un peu de licence, d’après l’exemple de ce grand roi.

— Si tu ne lis les saintes Écritures qu’afin de pouvoir justifier une conduite licencieuse, tu es aussi criminel que celui qui extrait des poisons des plantes les plus salutaires. »

Les yeux du templier étincelèrent de colère à ce reproche.

« Écoute, Rébecca, dit-il, jusqu’ici je t’ai parlé avec douceur ; mais à présent je parlerai en maître. Tu es ma captive ; je t’ai conquise à l’aide de mon bouclier et de ma lance : tu es donc soumise à ma volonté par les lois de toutes les nations. J’userai de mes droits, et je saurai obtenir par la violence ce que tu refuses à mes prières.

— Arrête, dit Rébecca, arrête ; écoute-moi avant de te souiller d’un crime aussi abominable ! Ta force, il est vrai, l’emporte sur la mienne ; car Dieu a fait la femme faible, et a confié sa défense à la générosité de l’homme. Mais, templier, je proclamerai ta scélératesse d’un bout de l’Europe à l’autre ; et je devrai à la superstition de tes frères ce que leur compassion me refuserait peut-être. Chaque préceptorerie, chaque chapitre de ton ordre apprendra que tu as violé tes vœux pour une juive. Ceux que ton crime ne fera point frémir te maudiront pour avoir déshonoré la croix que tu portes, pour l’amour d’une fille de ma nation.

— Tu as de l’esprit, belle juive, » répliqua le templier, qui voyait très clairement la vérité de ce qu’elle disait, et qui n’oubliait pas que les statuts de son ordre condamnaient de la manière la plus positive, sous les peines les plus rigoureuses, toute intrigue