Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/239

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même que Damoclès dans son célèbre banquet, Rébecca voyait continuellement, au milieu de ce luxe éblouissant, l’épée suspendue par un cheveu sur la tête de son peuple. Ces réflexions avaient tempéré, adouci et ramené à un jugement plus sain, un caractère qui, dans d’autres circonstances, se serait montré hautain, fier et obstiné.

D’après l’exemple et les préceptes de son père, Rébecca avait appris à se conduire avec douceur et convenance envers tous ceux qui l’approchaient. Elle n’avait pu, à la vérité, imiter l’humilité servile d’Isaac, parce que son âme était au dessus de cette bassesse d’esprit et de cet état constant de timide appréhension qui en était la cause ; mais elle était douée d’une noble fierté, et, tout en se soumettant aux rigueurs du sort qui accablait une race méprisée, elle avait la conviction intime que son mérite personnel lui donnait des droits à un rang plus élevé que celui auquel le despotisme des préjugés religieux lui permettait d’aspirer.

Ainsi préparée contre les malheurs qui d’un instant à l’autre pouvaient l’assaillir, elle avait acquis la fermeté nécessaire pour agir convenablement lorsqu’ils arriveraient. Sa situation actuelle exigeait toute sa présence d’esprit, et elle l’appela à son secours.

Son premier soin fut d’examiner sa chambre : cette visite lui fit voir qu’il n’y avait nul moyen de fuir ou de se défendre. Il ne s’y trouvait ni passage secret, ni trappe, et, excepté la porte par laquelle elle était entrée, aucune communication n’était établie entre le bâtiment principal et cet appartement, qui paraissait circonscrit par le mur extérieur de la tour. La porte n’avait eu dedans ni barres, ni verroux. L’unique fenêtre qui éclairait cette chambre s’ouvrait sur une petite terrasse extérieure, ce qui fit d’abord concevoir à Rébecca l’espoir de s’échapper ; mais elle reconnut bientôt que cette terrasse ne communiquait avec aucune autre partie des bâtiments, et que ce n’était qu’un balcon ou une plate-forme isolée, fortifiée comme à l’ordinaire par un parapet et des embrasures, sur laquelle on pouvait poster quelques archers pour défendre la tour et protéger contre toute attaque la muraille du château de ce côté.

Il ne restait donc à Rébecca d’autre ressource qu’un courage passif et cette confiance dans le ciel, naturelle aux âmes nobles et généreuses. Quoique habituée, par suite de son éducation religieuse, à donner une fausse interprétation aux promesses que l’Écriture fait au peuple choisi de Dieu, elle n’était point dans l’erreur en croyant