Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/182

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abondance dans ces forêts, et on ne regretterait pas un daim tué pour le service du chapelain de Saint-Dunstan.

— Sire Fainéant, reprit l’ermite, voilà des propos dangereux, et je vous prie de ne pas les répéter. Je suis un religieux fidèle au roi et aux lois. Si je m’avisais de chasser le gibier de mon souverain, je serais sûr d’être jeté en prison, et ma robe ne me sauverait peut-être même pas de la potence.

— N’importe ! si j’étais de vous, je me promènerais au clair de la lune, lorsque les gardes forestiers se tiennent bien chaudement dans leur lit ; et, tout en marmottant mes prières, je décocherais une flèche au milieu des troupeaux de daims qui paissent dans les clairières d’alentour. Dites-moi, mon père, n’avez-vous jamais pris un semblable passe-temps ?

— Ami Fainéant, tu as vu tout ce qui peut, dans mon ermitage, intéresser les regards, et même plus que ne méritait de voir un homme qui s’y est presque établi de vive force. Crois-moi, il faut jouir du bien que le ciel nous envoie, sans montrer une indiscrète curiosité sur la manière dont il nous arrive. Remplis ta coupe, vide-la, et, je t’en prie, ne pousse pas plus loin tes questions impolies ; autrement, tu me forcerais à te prouver que, si tu t’émancipais davantage, il me serait facile d’y mettre ordre.

— Par ma foi, tu augmentes ma curiosité ! Tu es l’ermite le plus mystérieux que j’aie jamais rencontré ; et j’en saurai davantage sur ton compte avant que nous ne nous séparions. Pour ce qui est de tes menaces, digne anachorète, tu parles à un homme dont le métier est de braver le danger partout où il se présente.

— À ta santé, sire chevalier Fainéant ! je respecte beaucoup ta valeur, mais j’ai une très mince idée de ta discrétion. Si tu veux me combattre avec des armes égales, je t’infligerai, de bonne amitié et fraternellement, une telle pénitence et te donnerai une telle absolution, que d’ici à un an tu ne pécheras plus par excès de curiosité.

— Quelles sont tes armes, vaillant ermite ?

— Il n’en est aucune, depuis les ciseaux de Dalila et le clou de Jaël jusqu’au cimeterre de Goliath, avec laquelle je ne sois prêt à me mesurer avec toi. Mais si tu me laisses maître du choix, que dis-tu, mon digne ami, de ces deux joujoux ? »

En parlant ainsi, il ouvrit une armoire dans un autre coin de la cellule, et en tira deux grandes épées et deux boucliers, tels qu’en portaient alors les yeomen ou archers. Le chevalier, qui suivait des