Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/173

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amour aussi nonchalant qu’il avait paru l’être dans le tournoi, il n’était pas assez enfoncé dans des réflexions passionnées sur une belle et sur ses rigueurs, pour oublier la fatigue et la faim, et pour que les doux rêves de la galanterie lui tinssent lieu de lit et de souper. Ce fut donc avec un grand désappointement que, en promenant ses regards autour de lui, il se vit environné de bois à travers lesquels s’offraient, à la vérité, plusieurs clairières et des sentiers, mais de ces sentiers tracés par des troupeaux qui seraient venus paître dans la forêt, ou par les bêtes fauves et les chasseurs qui les poursuivent.

Le soleil, d’après lequel le chevalier avait jusqu’alors dirigé sa course, venait de disparaître sur sa gauche derrière les montagnes du comté de Derby, et toute tentative pour aller plus avant pouvait allonger sa route et l’écarter du but de son voyage. Après avoir inutilement essayé de reconnaître le sentier le plus battu, dans l’espoir qu’il le conduirait à la chaumière de quelque garde forestier ou de quelque berger, et avoir acquis la conviction que l’un n’était pas plus certain que l’autre, il résolut de se confier au seul instinct de son cheval, instinct que maintes fois déjà il avait été à même de reconnaître pour un guide plus sûr que l’expérience de l’homme.

Cet intelligent quadrupède, tout fatigué qu’il était d’une longue marche sous un cavalier vêtu de sa pesante armure, ne sentit pas plutôt les rênes flotter sur son cou, que, se voyant libre de se diriger à son gré, il sembla prendre de nouvelles forces ; et, quoique tout à l’heure encore il eût à peine répondu à l’éperon autrement que par un gémissement, tout fier actuellement de la confiance qu’on lui accordait, il dressa les oreilles, releva la tête, et prit de lui-même un trot plus vif. Le sentier qu’il choisit ne conduisait pas dans la même direction que le chevalier avait suivie durant le jour ; mais comme son coursier, semblait marcher avec confiance, le cavalier s’en rapporta aveuglément à son choix. L’événement prouva qu’il avait eu raison : bientôt le sentier devint un peu plus large et parut plus battu, et le son d’une petite cloche avertit le chevalier qu’il se trouvait à peu de distance de quelque chapelle ou de quelque ermitage.

Il entra enfin dans une clairière, sur un des côtés de laquelle, dans une partie déclive du terrain, s’élevait presque perpendiculairement un roc gris et dentelé dont le lierre tapissait les flancs. En quelques endroits on y voyait aussi des chênes et des houx, dont les racines trouvaient leur nourriture dans les fentes et les crevasses du rocher, et dont les rameaux verts se balançaient sur un préci-