Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/171

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dans mon projet d’épouser cette riche héritière saxonne[1]. Lui, attenter à l’honneur de l’épouse que se destine de Bracy ! par le ciel ! fût-il à lui seul tout un chapitre de son ordre, il n’oserait pas me faire un lel outrage.

— Puisque rien de ce que je te dis ne peut, mon cher de Bracy, t’ôter cette folie de la tête, car je connais ton caractère opiniâtre, emploies-y le moins de temps possible, afin qu’elle ne soit pas aussi longue qu’elle est inopportune.

— Je t’assure, Fitzurse, que c’est l’affaire de quelques heures ; bientôt je serai à York, à la tête de mes intrépides compagnons d’armes, prêt à exécuter tout plan audacieux que ta politique aura imaginé. Mais j’entends mes camarades réunis, et les coursiers trépignent et hennissent dans la cour extérieure. Adieu ; je vais, en vrai chevalier, conquérir les sourires de la beauté.

— En vrai chevalier ! » répéta Fitzurse en le regardant partir ; « dis plutôt en vrai fou, en enfant qui néglige les affaires les plus sérieuses et les plus urgentes, pour chasser le duvet de chardon qui passe au dessus de son épaule. Et c’est avec de tels instruments que je dois travailler ! Au profit de qui, encore ? au profit d’un prince aussi imprudent que dissolu, qui sera vraisemblablement aussi ingrat qu’il s’est montré fils rebelle et frère dénaturé. Mais lui-même n’est qu’un des instruments que je mets en œuvre ; et si, dans son fol orgueil, il s’avise jamais de séparer ses intérêts des miens, c’est un secret que je lui apprendrai bientôt. »

Ici les réflexions de l’homme d’état furent interrompues par la voix du prince, qui, d’un appartement voisin, cria : « Waldemar ! noble Fitzurse ! » et, ôtant son bonnet, le futur chancelier d’Angleterre (car tel était le titre auquel aspirait le rusé Normand) se hâta d’aller recevoir les ordres de son futur souverain.

  1. Les anciens templiers faisaient vœu de célibat ; les templiers modernes peuvent se marier. a. m.