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Le nom d’Ivanhoé est tiré d’un vieux dicton rimé. Tous les auteurs de romans ont eu l’occasion, dans un moment ou dans un autre, de souhaiter avec Falstaff de connaître un lieu où ils pussent se procurer des noms à leur convenance : dans une situation pareille, l’auteur eut le bonheur de se souvenir de quelques vers où sont conservés les noms de trois fiefs perdus par un des ancêtres du célèbre Hampden qui avait frappé de sa raquette le prince Noir, dans une querelle qui s’éleva entre eux tandis qu’ils jouaient à la paume[1].

Le nom d’Ivanhoé convenait à l’auteur pour deux fortes raisons : la première, parce que c’était un vieux mot anglais ; la seconde parce qu’il ne donnait aucune idée de la nature du roman : il croit pouvoir regarder ce dernier avantage surtout comme d’une grande importance. Ce qu’on appelle un titre piquant, sert plutôt l’intérêt du libraire ou éditeur, qui par ce moyen vend quelquefois une édition tandis qu’elle est encore sous presse ; mais si un auteur permet que l’attention se fixe sur son ouvrage avant qu’il ait vu le jour, il se place dans une situation d’autant plus fâcheuse que, si l’attente qu’il a excitée ne se réalise point, elle devient fatale à sa réputation littéraire ; et puis, lorsque nous rencontrons un titre comme celui de la Conspiration des poudres[2], ou tout autre appartenant à l’histoire générale, chaque lecteur, avant de l’avoir vu, s’est fait une idée particulière du plan qui sera suivi dans le livre, et de la nature du plaisir qu’il doit y trouver. S’il est désappointé, comme cela est probable, il sera naturellement disposé à rejeter sur l’auteur ou sur l’ouvrage les sentiments désagréables dont la perte de son erreur sera suivie. Dans ce cas, on censure l’aventurier littéraire, non point pour avoir manqué le but auquel il visait, mais pour n’avoir pas lancé son trait dans une direction à laquelle il n’avait jamais pensé. Profitant des relations intimes que l’auteur a établies avec le public, il va lui faire part d’une bien futile circonstance : c’est qu’une

  1. Voici ces vers :

    Tring, Wing and Ivanhoe
    For string of a blow,
    Hampden did forego,
    And glad he could escape so.

    Ce qui veut dire : « Hampden perdit les fiefs de Tring, Wing et Ivankoe pour avoir donné un coup, et il fut heureux de réchapper à ce prix. » a. m.

  2. Cette conspiration contre l’État et contre l’Église anglicane, qui eut lieu sous le règne de Jacques Ier, est un des événements les plus connus de l’histoire d’Angleterre. a. m.