Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/125

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tous les consolateurs et donneurs d’avis en pareille circonstance. La nuit devenait plus sombre, lorsqu’un domestique Juif entra dans l’appartement et mit sur la table deux lampes d’argent remplies d’une huile parfumée, pendant que deux autres domestiques apportaient sur une table d’ébène incrustée d’ornements en argent, les plus riches vins et les rafraîchissements les plus exquis ; car, dans le sein de leur maison, les Juifs ne se refusaient aucune dépense. En même temps un serviteur informa Isaac qu’un Nazaréen, comme les Israélites avaient coutume d’appeler entre eux les chrétiens, désirait lui parler. Quiconque vit du trafic doit mettre tout son temps à la disposition de quiconque veut parler d’affaires avec lui. Isaac replaça vite sur la table le verre plein de vin grec qu’il venait de porter à ses lèvres ; et, commandant à sa fille de se voiler, il ajouta : « Qu’on introduise l’étranger. »

Rébecca eut à peine le temps de baisser sur ses traits délicats un voile en gaze brodé d’argent qui descendait jusqu’à ses pieds, lorsque la porte s’ouvrit et que Gurth le porcher entra brusquement, affublé de son ample manteau normand : son aspect annonçait plutôt le soupçon que la confiance ; et au lieu d’ôter son bonnet, il l’enfonça davantage sur sa tête, au point de dérober ses épais sourcils.

« Es-tu le juif Isaac d’York, » dit Gurth, eu saxon.

« C’est moi-même, » répondit Isaac, dans le même idiome, car son commerce l’avait rendu familier à tous les dialectes qui se parlaient dans la Grande-Bretagne ; « et toi, qui es-tu ? »

— Cela ne te regarde pas, » répondit Gurth.

« Aussi bien que je te dis mon nom, reprit Isaac, tu dois me dire le tien ; car sans te connaître comment pourrais-je parler d’affaires avec toi ?

— Cela se peut aisément, répondit Gurth ; car venant ici pour vous donner de l’argent, il faut que je connaisse la personne à laquelle je dois le remettre ; mais toi, qui as seulement à le recevoir, je pense qu’il doit t’être entièrement indifférent de savoir par quelle main il t’est remis.

— Oh ! dit le Juif, vous venez pour me payer une dette ! Bienheureux Abraham ! cela change nos relations ; et de la part de qui apportez-vous cet argent ?

— De la part du chevalier déshérité, vainqueur dans les tournois de ce jour. C’est le prix de l’armure que lui avait prêtée Kirgath Jaïram de Leicesier, sur ta recommandation. À l’égard du