Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/120

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHAPITRE X.


Ainsi, comme le hibou au sinistre présage, qui de son bec criard tinte le passeport de l’homme agonisant et lui annonce sa fin prochaine, et dans l’obscurité silencieuse de la nuit secoue la contagion de ses ailes funestes ; de même, oppressé, tourmenté, le pauvre Barabas vomissait des torrents d’injures contre les chrétiens.
Shakspeare. Le Juif de Malte.


Le chevalier déshérité n’eut pas plus tôt regagné sa tente, que les pages et les écuyers se présentèrent en foule pour l’aider à se désarmer, lui offrirent de nouveaux vêtements et le rafraîchissement du bain. Le zèle dans cette occasion était peut-être aiguillonné par la curiosité, car chacun désirait savoir quel était le chevalier qui, après avoir cueilli tant de lauriers, refusait de lever sa visière et d’indiquer son nom. Leurs officieuses inquisitions n’eurent cependant point de résultat. Le chevalier déshérité refusa leurs secours, à l’exception de l’aide de son écuyer ou plutôt de l’archer dont il était accompagné, homme d’une tournure assez rustique, lequel, enveloppé d’un manteau de feutre coloré en noir et portant sur la tête un bonnet normand également de feutre noir qui lui couvrait la moitié de la figure, semblait affecter le même incognito que son maître. Tout le monde étant sorti de la tente, ce domestique aida son maître à se débarrasser de son armure, et plaça devant lui du vin et des aliments que les fatigues du jour avaient rendus indispensables. Il avait à peine achevé son repas frugal, lorsque son écuyer lui annonça que cinq hommes d’armes, montés chacun sur un cheval barbe, désiraient lui parler. Le chevalier déshérité avait changé son armure contre une longue robe portée d’ordinaire par les personnes de sa condition, et qui, garnie d’un capuchon, cachait les traits lorsque tel était le bon plaisir de celui qui s’en trouvait affublé, et cela aussi complètement qu’une visière de haubert. Mais le crépuscule, déjà très avancé, et la nuit de plus en plus sombre, auraient rendu ce déguisement inutile à moins que les personnes qui se trouvaient devant la tente n’eussent connu sa figure. Il s’avança donc hardiment vers eux jus-