Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/105

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naient de droit au vainqueur. Le cinquième seul resta dans l’arène assez long-temps pour être salué par les applaudissements des spectateurs, au milieu desquels il se déroba, en ajoutant de la sorte sans doute à la honte de ses compagnons d’armes.

Une seconde et une troisième troupe de chevaliers se succédèrent dans la lice, et, quoique avec des succès variés, ils laissèrent l’avantage aux tenants, dont pas un ne fut désarçonné, mésaventure qui atteignit un ou deux des adversaires à chaque rencontre. Le courage de ceux qui allaient encore leur être opposés, s’affaiblissait considérablement, vu les succès continuels des tenants. Trois chevaliers seulement parurent au quatrième assaut, et évitant les boucliers de Bois-Guilbert et de Front-de-Bœuf, ils se bornèrent à toucher les trois autres chevaliers qui n’avaient pas montré la même force ni la même habileté. Cette manœuvre prudente ne changea point le hasard du combat, car les tenants furent encore victorieux ; un de leurs antagonistes fut renversé, et les deux autres tombèrent dans l’attaint, c’est-à-dire qu’en frappant fortement le haubert et le bouclier de leurs antagonistes, leur lance manqua la ligne droite, et elle se fût brisée, si les champions n’avaient été désarçonnés.

Après cette quatrième rencontre, il y eut une pause assez longue ; il ne paraissait pas qu’aucun chevalier voulût renouveler le combat. Les spectateurs murmuraient entre eux, car au nombre des tenants se trouvaient Malvoisin et Front-de-Bœuf, tous deux haïs du peuple à cause de leur méchant caractère, et les autres étaient des étrangers, excepté Grantmesnil. Cette désapprobation générale ne fut par aucun plus vivement partagée que par Cedric le Saxon, qui, dans l’avantage qu’avaient obtenu les chevaliers normands, voyait encore un triomphe répété de ses tyrans sur l’honneur du pays. Son éducation ne l’avait point rendu propre à ces jeux de chevalerie, quoique dans bien des occasions, avec les armes de ses ancêtres, il eût montré une grande bravoure, et il jetait avec inquiétude ses regards sur Athelstane, qui avait appris cet art raffiné ; il l’observait comme s’il eût désiré que ce chevalier fît quelque effort personnel pour ramener la victoire qui passait dans les rangs du templier Bois-Guilbert. Mais, sans manquer de courage ni de force, Athelstane était doué d’une disposition trop inerte et de trop peu d’ambition pour essayer ce que Cedric semblait en espérer.

« Cette journée est contre l’Angleterre, milord, dit Cedric d’une voix altérée ; ne saisirez-vous point la lance ?