Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/99

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rité de celui qu’il regardait, avec assez de justice, comme l’auteur de la ruine et de la mort de son père, peut-être aurait-il d’abord repoussé cette accusation comme une calomnie atroce ; cependant, après un sérieux examen de ce qui se passait en lui, il aurait été forcé de convenir qu’il y avait eu un temps où cette accusation était fondée, quoique, d’après la nature de ses sentiments actuels, il fût difficile de croire qu’il eût eu réellement une pareille intention.

Il existait déjà dans son cœur deux passions contradictoires ; le désir de venger la mort de son père, étrangement modifié par son admiration pour la fille de son ennemi. Il avait tellement lutté contre le premier sentiment, qu’il lui avait paru bien diminué ; contre le dernier il n’avait nullement cherché à résister, puisqu’il n’en soupçonnait pas l’existence. Ce qui la prouvait cependant, c’était la résolution, à laquelle il était revenu, de quitter l’Écosse ; et néanmoins il restait toujours à Wolf’s-Crag, sans aucun préparatif de départ. Il est vrai qu’il avait écrit à un ou deux de ses parents qui demeuraient dans un canton éloigné de l’Écosse, et particulièrement au marquis d’A…, pour leur faire part de ses projets ; et lorsque Bucklaw le pressait à ce sujet, il ne manquait jamais d’alléguer la nécessité d’attendre leur réponse, et surtout celle du marquis, avant de prendre un parti aussi décisif.

Le marquis était riche et puissant, et quoiqu’on le soupçonnât d’entretenir des sentiments peu favorables au gouvernement établi depuis la révolution, il avait néanmoins eu assez d’adresse pour se mettre à la tête d’un parti, dans le conseil privé d’Écosse, qui était en relation avec la faction de la haute Église[1], en Angleterre, et il était assez puissant pour menacer ceux auxquels le garde des sceaux était attaché, du renversement de leur pouvoir. La nécessité de conférer avec un personnage d’une aussi grande importance était une excuse plausible que Ravenswood fit valoir auprès de Bucklaw, et probablement auprès de lui-même, pour prolonger son séjour à Wolf’s-Crag, et elle devint encore plus plausible par le bruit qui commençait à se répandre d’un changement probable de ministres et de système dans l’administration écossaise. Tous ces bruits, fortement attestés par les uns et non moins réfutés par les autres, suivant que leurs désirs ou leur intérêt les faisaient agir, pénétrèrent dans la tour en ruine de

  1. L’Église presbytérienne. a. m.