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CHAPITRE VIII.

le repas et la lettre.


Le foyer dans la salle était noir et froid ; on n’y voyait aucun buffet décoré de festons, ni coupe joyeuse, ni couche attrayante. — Triste chère à espérer ici, dit l’héritier de Linne.
Vieille ballade.


Les sentiments du prodigue héritier de Linne, tels qu’ils sont exprimés dans cette excellente et vieille ballade, lorsque, après avoir dissipé toute sa fortune, il se trouva l’habitant abandonné d’une maison solitaire, pourraient avoir quelque ressemblance avec ceux du maître de Ravenswood dans sa triste demeure de Wolf’s-Crag. Mais celui-ci avait cet avantage sur le dissipateur de la légende, que, s’il était réduit à la même détresse, il ne pouvait l’imputer à ses prodigalités. Sa misère et un titre que la courtoisie ou l’impolitesse pouvait lui accorder ou lui refuser à volonté, étaient le seul héritage que son père lui eût laissé.

Peut-être cette réflexion triste, mais consolante, se présenta-t-elle à l’esprit de ce malheureux jeune homme, et vint-elle apporter quelque soulagement à ses peines. Le matin, favorable au calme de la réflexion, aussi bien qu’au culte des Muses, tout en dissipant les ombres de la nuit, contribua aussi à apaiser la violence des passions qui, le jour précédent, avaient agité le cœur du maître de Ravenswood. Il se trouvait alors en état d’analyser les divers sentiments qui l’oppressaient, et il prit la ferme résolution de les combattre et de les vaincre. Le jour, qui s’était levé calme et radieux, jetait un éclat agréable même sur les vastes terrains marécageux que l’on voyait du château, quand on regardait du côté de la terre, tandis que de l’autre un autre Océan, sillonné par mille vagues aux bouillonnements argentés, s’étendait avec une majesté imposante jusqu’aux dernières limites de l’horizon. La vue de ce calme sublime fait naître dans le cœur de l’homme, même dans les moments d’une extrême agitation, de ces douces émotions, et souvent le porte par sa majestueuse influence à des actes d’honneur et de vertu.

Après avoir avec un soin inaccoutumé rempli la tâche importante d’examiner son âme, la première occupation du maître fut d’aller rejoindre Bucklaw dans sa retraite « Eh bien ! Bucklaw, comment trouvez-vous le lit sur lequel le comte d’Angus dormit en sûreté pendant son exil, quoique poursuivi avec toute l’énergie