Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/92

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de ses inquiétudes ; « si vous avez quelque viande froide, ou un morceau de pain… — Les meilleurs petits pains d’avoine ! » s’écria Caleb, délivré d’un grand embarras ; « et quant à de la viande froide… Cependant la plus grande partie des viandes froides et de la pâtisserie fut donnée aux pauvres, après la cérémonie de l’enterrement, comme de juste ; néanmoins… — Allons, Caleb, dit le maître de Ravenswood, il faut que je coupe court à tout cela. Voici le jeune laird de Bucklaw, il est obligé de se cacher, et par conséquent vous sentez… — Il ne sera pas plus délicat que Votre Seigneurie, à ce que je vois, » répondit Caleb d’un air content, et en faisant avec sa tête un geste d’intelligence. « Je suis fâché de le voir dans cette triste situation ; mais je suis charmé qu’il ne puisse pas trouver beaucoup à redire sur notre train de maison, car je crois que son état de gêne peut égaler le nôtre ; Dieu merci, » ajouta-t-il en rétractant l’aveu qu’il avait fait dans le premier transport de sa joie, mais enfin nous ne sommes pas aussi bien que nous avons été, ou que nous devrions être. Et quant au souper, à quoi sert de dire des mensonges ? Il y a tout simplement un reste de gigot de mouton qui n’a encore paru que trois fois sur la table, et plus on approche de l’os, plus la viande est tendre, comme Vos Honneurs le savent très bien ; et… il y a un restant de fromage de lait de chèvre, avec un morceau de beurre excellent : et puis… et puis… et puis voilà tout ce que je puis vous offrir. » Et avec le plus grand empressement, il apporta ses minces provisions, qu’il plaça, avec beaucoup de symétrie, sur une petite table ronde, à laquelle s’assirent les deux amis ; et malgré la qualité peu engageante, et la quantité peu abondante des mets, ils ne laissèrent pas que d’y faire honneur. Pendant ce temps-là, Caleb les servait avec un air de gravité et d’obligeance, comme s’il eût voulu compenser par son assiduité respectueuse le manque d’autres serviteurs.

Mais, hélas ! combien il est difficile que les formes, quelque soigneusement, quelque scrupuleusement qu’elles soient observées, suppléent au manque d’une nourriture substantielle ! Bucklaw, qui avait mangé avec avidité une portion considérable du gigot de mouton attaqué à trois reprises différentes, se mit alors à demander de l’ale.

« Je n’oserais pas précisément vous recommander notre ale, dit Caleb, la drèche était mal faite, et nous avons eu un orage épouvantable la semaine dernière ; mais vous trouverez rarement de