Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/90

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

C’était effectivement le plus triste aspect. Une grande pièce voûtée, dont les poutres, disposées comme celles de Westminster-Hall, étaient grossièrement sculptées aux extrémités, se trouvait à peu près dans le même état où elle avait été laissée après l’enterrement d’Allan lord Ravenswood. Des cruches renversées, des pots de terre et d’étain, et des flacons, encombraient encore la grande table de chêne ; le plancher carrelé était jonché des débris des verres, objets plus fragiles, dont plusieurs avaient été volontairement sacrifiés par les convives dans l’enthousiasme avec lequel ils portaient leurs santés favorites. Quant à l’argenterie, que des amis ou des parents avaient prêtée pour cette occasion, on avait eu soin de l’enlever aussitôt après la puérile célébration d’une orgie aussi inconvenante. Rien, en un mot, n’était resté qui indiquât l’opulence ; on n’y voyait plus que les traces d’un festin récent, et les signes du plus complet abandon. Les tentures de drap noir, qui dans cette triste occasion avaient remplacé les tapisseries déchirées ou usées, avaient été détachées en partie, et, pendant le long des murs en festons irréguliers, laissaient voir les pierres grossières de l’édifice. Les sièges renversés, ou épars çà et là, annonçaient que la fête funèbre s’était terminée dans le désordre et le bruit. « Cette salle, » dit Ravenswood en élevant la lampe, « cette salle, M. Hayston, a présenté le spectacle de la débauche dans un temps où elle aurait dû être triste ; il est juste qu’en retour elle soit triste lorsqu’elle devrait offrir celui de la gaieté. »

Ils quittèrent ce lugubre appartement, et montèrent l’escalier. Après avoir inutilement ouvert deux ou trois portes, Ravenswood entra avec Bucklaw dans une petite antichambre couverte de nattes, dans laquelle, à leur grande joie, ils trouvèrent un assez bon feu, grâce sans doute à quelque expédient semblable à celui indiqué par Caleb à Mysie. Joyeux intérieurement de trouver quelque chose de plus agréable que ce que le château n’avait encore paru lui offrir, Bucklaw se frotta avec plaisir les mains auprès du feu, et écouta plus complaisamment les excuses que lui faisait le maître de Ravenswood. « Je ne puis vous procurer ici de l’aisance, dit celui-ci, car je n’en ai pas moi-même ; il y a longtemps que ces murs y sont étrangers, si effectivement ils l’ont jamais connue. Abri et sûreté, c’est, je crois, tout ce qu’il m’est possible de vous promettre. — Excellentes choses, maître, répondit Bucklaw, et avec une bouchée de pain et un verre de vin,