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En réponse à cette lettre, l’amant déclara positivement ne pouvoir accepter de rétractation que de la bouche même de la jeune personne ; et comme lady Stair avait affaire à un homme d’un caractère trop déterminé et d’une condition trop élevée pour se moquer de lui, elle fut obligée de consentir à une entrevue de lord Rutherford avec sa fille ; mais elle eut soin d’y assister, et elle soutint, contre l’amant désappointé et irrité, l’explication avec la même ténacité que lui : elle insista particulièrement sur la loi lévitique, qui déclare qu’une femme sera dégagée d’un vœu que n’auront point approuvé ses parents. Voici le passage de l’Écriture sur lequel elle se fondait :

« Si un homme a fait un vœu au Seigneur, ou s’est lié par un serment, il ne manquera point à sa parole ; mais il accomplira tout ce qu’il aura promis.

« Lorsqu’une femme aura fait un vœu et se sera liée par un serment, si c’est une jeune fille qui soit encore dans la maison de son père, et que le père ayant connu le vœu qu’elle a fait et le serment par lequel elle s’est engagée, n’en ait rien dit, elle sera obligée à son vœu, et elle accomplira effectivement tout ce qu’elle aura promis et juré.

« Mais si le père s’est opposé à son vœu aussitôt qu’il lui a été connu, ses vœux et ses serments seront nuls, et elle ne sera point obligée à ce qu’elle aura promis, parce que le père s’y est opposé ; autrement, le Seigneur l’abandonnera, parce que son père l’a désapprouvée. »

Tandis que la mère insistait sur ces arguments, l’amant conjurait en vain la fille de déclarer elle-même ses sentiments. Celle-ci demeurait comme anéantie, muette, pâle, et sans mouvement comme une statue. Seulement, sur l’ordre de sa mère, donné avec énergie, elle retrouva encore assez de force pour lui rendre le morceau de la pièce d’or brisée, qui était le gage de sa foi promise. L’amant alors s’abandonna à toute la fougue de la colère, prit congé de la mère en prononçant des malédictions ; et, lorsqu’il sortit de l’appartement, il se retourna pour dire à sa faible sinon volage maîtresse : « Quant à vous, mademoiselle, vous serez une merveille du monde ; » phrase qui présageait quelque prochaine calamité. Il partit enfin, et ne reparut plus. Si le dernier lord Rutherford fut l’infortuné prétendant dont il est question, il doit avoir été le troisième qui porta ce titre et qui mourut en 1685.