Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/83

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que la fatigue du cheval de Ravenswood le permettait, jusqu’au moment, où, la nuit devenant plus obscure, ils modérèrent leur marche, tant par la difficulté de reconnaître les sentiers que par l’espoir qu’ils étaient maintenant à l’abri de toute poursuite et de toute observation.

« Maintenant que nous marchons plus à notre aise, dit Bucklaw, je voudrais bien vous adresser une question, maître. — Faites, je vous écoute, dit Ravenswood ; mais ne vous formalisez point si je ne vous donne pas de réponse, à moins que je ne le juge convenable. — Eh bien ! voici ma question. Au nom du vieux Satan, quel motif a pu vous porter, vous qui tenez si fort à votre réputation, à penser un seul moment à vous lier avec un fripon comme Craigengelt, et avec une mauvaise tête comme Bucklaw ? — Simplement, parce que j’étais désespéré, et que je cherchais des compagnons qui le fussent aussi. — Et quel motif vous a engagé à nous quitter aussi brusquement ? — Parce que j’avais changé d’avis, et renoncé à mon entreprise, du moins pour le moment. Et maintenant que j’ai répondu exactement et franchement à vos questions, dites-moi pourquoi vous vous êtes attaché à Craigengelt, qui vous est si inférieur et par la naissance et par les sentiments ? — Je vous répondrai franchement, que c’est parce que je suis un fou, et que j’ai perdu au jeu dernièrement toutes mes propriétés. Ma vieille grand’tante, lady Girnington, a envie de courir une nouvelle bordée, je pense, et je ne pouvais espérer de gagner quelque chose que par un changement de gouvernement. Craigie était une sorte de connaissance de jeu. Il vit ma position, et comme le diable est toujours prêt à jouer quelqu’un de ses tours, le capitaine me débita cinquante mensonges au sujet des lettres de créance qu’il avait de Versailles et de son crédit à Saint-Germain, me promit un brevet de capitaine lorsque je serais à Paris, et j’ai été assez sot peur ajouter foi à ses belles promesses. Je suis bien sûr qu’à présent il a déjà fabriqué une douzaine d’histoires sur mon compte au gouvernement. Et voilà ce que m’ont valu le vin, les femmes et les dés, les coqs, les chiens et les chevaux. — Oui, Bucklaw, vous avez en effet nourri dans votre sein une demi douzaine de serpents qui vous piquent aujourd’hui. — Oui, cela est vrai, mais permettez-moi de vous dire que vous avez nourri dans votre sein un bon gros serpent, qui a avalé tous les autres, et qui est tout aussi sûr de vous dévorer que l’est ma demi-douzaine de faire un repas de tout ce qui reste à