Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/81

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votre incivilité, ni la rétracter ou indiquer un rendez-vous, vous subirez ici le châtiment que vous méritez. — Je n’ai pas à me reprocher de n’avoir pas fait ce que j’ai pu pour éviter une affaire avec vous ; si vous parlez sérieusement, ce lieu-ci sera tout aussi bien qu’un autre. — Mettez donc pied à terre et l’épée à la main, » dit Bucklaw en lui donnant l’exemple. « J’ai toujours pensé et toujours dit que vous étiez un homme d’honneur ; je serais fâché d’être obligé de penser et dire autrement. — Vous n’en aurez pas de motif, monsieur, » dit Ravenswood, en descendant de cheval et se mettant en état de défense.

Les épées se croisèrent et le combat commença avec beaucoup d’ardeur de la part de Bucklaw, qui était accoutumé à ces sortes d’affaires, et se faisait distinguer par son adresse et sa dextérité à manier l’épée. Dans cette occasion, cependant, il ne put déployer son habileté avec avantage, car ayant perdu toute espèce de modération, en voyant l’air de froideur et de mépris avec lequel le maître de Ravenswood avait long-temps refusé et à la fin consenti à lui donner satisfaction, et il céda à son impatience et attaqua son adversaire avec une ardeur irréfléchie. Le maître, avec autant d’habileté et un plus grand sang-froid, se tint principalement sur la défensive et évita même de profiter de l’avantage que son adversaire lui fournit une ou deux fois par son impétuosité. À la fin, Bucklaw, ayant voulu serrer son ennemi de près, et s’étant précipité sur lui, son pied glissa et il tomba sur le gazon. « Prenez la vie que je vous donne, monsieur, dit le maître de Ravenswood, et tâchez de l’amender si vous le pouvez. — J’ai bien peur que cela ne fasse qu’un bien mauvais raccommodage, » dit Bucklaw, en se relevant lentement et en ramassant son épée, beaucoup moins déconcerté de l’issu du combat qu’on n’aurait put l’attendre de la fougue de son caractère. « Je vous remercie de la vie que vous me laissez, maître, poursuivit-il ; voici ma main ; je ne vous en veux point pour ma mauvaise fortune ou votre supériorité en fait d’escrime. »

Le maître le regarda fixement un instant, puis lui tendit la main en disant : « Bucklaw, vous êtes un brave, et je me suis mal conduit envers vous. Je vous demande pardon de bon cœur de l’expression qui vous a blessé. Je l’ai employée avec trop de précipitation et sans avoir réfléchi, et je suis sûr qu’elle ne vous est nullement applicable. — En êtes-vous réellement sûr, Maître ? » dit Bucklaw, sa figure reprenant aussitôt son expression natu-