Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/78

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rions l’Écosse ensemble aussitôt que j’aurais visité le château aliéné de mes ancêtres, et que j’aurais eu une entrevue avec celui qui en est aujourd’hui le possesseur, je ne veux pas l’appeler le propriétaire. — Cela est vrai, maître, répondit Bucklaw ; et comme nous avions pensé que l’exécution du projet que vous aviez formé pouvait mettre votre vie en danger, nous étions très-courtoisement convenus, Craig et moi, de vous attendre ici, bien que ce fût nous exposer aux mêmes risques. Relativement à Craig, il est vrai, ce n’était pas une chose de bien grande importance ; car la potence a été écrite sur son front dès l’instant de sa naissance ; mais je n’aimerais pas à imprimer une tache sur ma famille par une fin pareille, et pour une cause qui m’est étrangère. — Messieurs, dit le Maître de Ravenswood, je suis fâché de vous avoir occasionné tant d’embarras, mais je réclame le droit de juger du meilleur parti que j’ai à prendre dans mes propres affaires, sans en donner d’explication à qui que ce soit. J’ai changé d’avis, et ne me propose point de quitter le pays pour le moment. — Ne point quitter le pays, maître ! s’écria Craigengelt. Ne point partir, après toutes les peines que je me suis données et les dépenses que j’ai faites ; après avoir couru le risque d’être découvert, après les frais qu’il en coûtera pour le fret et le retard à nous embarquer ! — Monsieur, répliqua le maître de Ravenswood, lorsque je formai le projet de quitter aussi promptement le royaume, je profitai de l’offre obligeante que vous me fîtes de me procurer des moyens de transport ; mais je ne me souviens nullement de m’être engagé à partir, si j’avais des motifs de changer de dessein. Je suis fâché de la peine que vous avez prise pour moi, et je vous en remercie. Quant à vos dépenses, » ajouta-t-il en mettant la main dans sa poche, » elles demandent une compensation plus solide : fret, retard d’embarquement, sont des choses que je ne connais point, capitaine Craigengelt ; mais prenez ma bourse, et payez-vous vous-même d’après votre propre conscience. » Il présenta effectivement au soi-disant capitaine une bourse contenant quelques pièces d’or.

Mais ici Bucklaw s’interposa à son tour. « Il me paraît, Craigie, que vos doigts vous démangent de tenir ce petit filet vert, dit-il ; mais je vous jure que, s’ils font seulement mine de se plier pour le saisir, je les abats d’un coup de sabre. Puisque le maître a changé d’avis, je pense qu’il est utile que nous restions ici plus long-temps ; mais avant de nous quitter, je demande la permission