Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/74

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là un beau discours, et que vous déployez beaucoup d’esprit à mes dépens. Vaut-il mieux mourir de faim, ou se faire pendre, que mener la vie que je suis obligé de mener, parce que le roi n’a pas en ce moment les moyens de soutenir ses envoyés ? — Mourir de faim est plus honorable, et la potence pourrait bien être la conclusion de tout ceci. Mais je ne comprends pas ce que vous vous proposez de faire de ce pauvre diable de Ravenswood ; il ne lui reste plus d’argent, pas plus qu’à moi ; ses terres sont engagées et hypothéquées, et l’intérêt absorbe le revenu, qui n’est même pas suffisant ; et qu’espérez-vous en vous mêlant de ses affaires ? — Tranquillisez-vous, Bucklaw ; je sais ce que je fais. Outre que son nom et les services rendus par son père en 1689 donneront un grand prix à une pareille acquisition aux gens des cours de Versailles et de Saint-Germain, vous voudriez bien aussi que je vous dise que le Maître de Ravenswood est un jeune homme bien différent de vous. Il a de l’instruction et de l’adresse, du courage et des talents, et se présentera dans les cours étrangères comme un jeune homme de cœur, qui connaît autre chose que la course d’un cheval ou le vol d’un faucon. J’ai perdu un peu de mon crédit dernièrement, en ne produisant que des gens qui ne savaient absolument que lancer un cerf, ou rappeler l’oiseau. Le Maître a de l’éducation, du jugement, de la pénétration. — Et cependant n’a pas assez d’esprit pour échapper aux ruses d’un embaucheur, Craigengelt. Mais ne vous fâchez pas ; vous savez que vous ne vous battrez point ; ainsi vous ferez tout aussi bien de laisser la poignée de votre sabre en paix, et de me dire d’un ton calme comment vous avez pu vous attirer la confiance du maître. — En flattant sa soif de vengeance, Bucklaw. Il s’est toujours méfié de moi ; mais j’ai épié le moment favorable, et j’ai frappé lorsqu’il était bouillant de colère et par le sentiment des injures passées et par celui de l’insulte qu’il venait de recevoir. Il est allé pour s’expliquer, comme il le dit, et comme il le pense peut-être, avec sir William Ashton. Pour moi je dis que, s’ils se rencontrent, et que l’homme de loi se mette sur la défensive, le maître le tuera ; car son regard exprimait cette vivacité qui révèle les intentions secrètes. Quoi qu’il en arrive, il lui causera une telle frayeur que l’action sera représentée comme une attaque contre un conseiller privé, en sorte qu’il sera en rupture ouverte avec le gouvernement ; l’Écosse sera trop chaude pour lui : la France se l’attachera, et nous nous embarquerons