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mots de courtoisie, qu’il prononça avec répugnance et qui ne furent qu’imparfaitement entendus, et se retournant, il disparut aussitôt dans l’épaisseur du bois.

« Le Maître de Ravenswood ! » dit le lord Keeper après être revenu de sa surprise momentanée, « courez après lui ; arrêtez-le ; priez-le de m’accorder un moment d’entretien. »

Les deux bûcherons se mirent à la poursuite de l’étranger. Ils revinrent bientôt, et, d’un air contraint et embarrassé, dirent qu’il n’avait pas voulu revenir. Le lord Keeper prit à part un de ces hommes et le questionna d’une manière plus pressante pour savoir ce que le Maître de Ravenswood avait dit.

« Il a dit seulement qu’il ne voulait point revenir, » répondit l’homme, avec la prudence d’un Écossais circonspect, qui n’aime pas être le porteur d’un message désagréable.

« Il a dit quelque autre chose, reprit le lord Keeper, et je veux absolument le savoir. — Eh bien donc, milord, » dit le bûcheron en baissant les yeux, « il a dit… mais Votre Seigneurie n’aurait aucun plaisir à l’entendre, et je suis sûr que le Maître ne l’a pas dit avec mauvaise intention. — Cela ne vous regarde pas, dit sir William ; je veux que vous me rapportiez ses propres paroles. — Eh bien donc, répliqua l’homme, les voici : Dites à Sir William Ashton que la première fois que nous nous rencontrerons, il ne sera pas de moitié aussi satisfait de notre entrevue que de notre séparation. — Ah ! c’est bien, dit sir William ; je crois qu’il veut parler d’une gageure que nous avons faite au sujet de nos faucons ; ce n’est qu’une bagatelle. »

Il revint auprès de sa fille, qu’il trouva assez bien rétablie pour pouvoir marcher jusqu’au château. Mais l’effet que les divers souvenirs liés à une scène aussi terrible firent sur son âme sensible, fut plus durable que l’émotion douloureuse que ses nerfs avaient éprouvée. Des visions terribles, pendant son sommeil et au milieu des rêveries dans lesquelles elle tombait le jour, lui rappelaient l’image de cet animal furieux et le mugissement effroyable qu’il faisait entendre dans sa course ; elle se rappelait aussi les traits du Maître de Ravenswood qui, avec cette noblesse de figure et de taille qui lui était naturelle, semblait s’interposer entre elle et une mort inévitable. Il est peut-être dangereux, dans tous les temps, pour une jeune personne de permettre à son imagination de s’occuper trop continuellement et avec trop de complaisance du même individu ; mais dans la situation