Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/543

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Sir Dugald Dalgetty, qui avait assisté à la dernière partie de cette scène imposante, fut peu édifié de la conduite de Mac-Eagh dans cette occasion. « Je ne crois pas, mon ami Ranald, lui dit-il, que, pour un homme prêt à quitter cette vie, vous soyez dans la bonne voie. Faire des sièges, livrer des assauts, passer une garnison au fil de l’épée, incendier des faubourgs, c’est le devoir d’un soldat, et de telles actions sont justifiées par la nécessité où il se trouve de gagner la paie qu’il reçoit ; mais ceux qui suivraient un pareil exemple sont considérés comme des bandits, comme des coupe-jarrets. Il est clair que la profession de soldat est hautement favorisée du ciel, puisqu’il peut commettre chaque jour des actions de violence sans perdre l’espérance du salut. Mais au service de quelque prince que ce soit, Ranald, un soldat mourant ne doit ni se vanter de telles actions, ni recommander aux siens d’en faire autant ; au contraire, il est de son devoir d’en témoigner de la honte et du repentir, et de répéter ou de se faire répéter quelque bonne prière, ce que j’engagerai le chapelain de Son Excellence à faire pour vous, si vous le trouvez agréable. Au surplus, cette affaire n’est nullement de mon ressort ; je ne vous en parle que pour le soulagement de votre conscience, et afin que vous quittiez ce monde plutôt en chrétien qu’en Turc, ce que vous me semblez être en bon chemin de faire. »

La seule réponse que fit le mourant (car Ranald pouvait être considéré comme tel) fut de demander qu’on le soulevât de manière à ce qu’il pût apercevoir la campagne. Un épais brouillard qui s’était depuis long-temps amassé sur le sommet des montagnes commençait à descendre dans les vallées ; et les cimes escarpées des monts, découvrant leurs formes noires et irrégulières, ressemblaient à des îles désertes s’élevant sur un océan de vapeurs. « Esprit du brouillard ! dit Mac-Eagh, toi que notre race regarde comme notre père et notre protecteur, reçois dans ton tabernacle de nuages, lorsque ce moment d’angoisses sera passé, celui que tu as si souvent protégé et caché pendant sa vie. À ces mots, il retomba dans les bras de ceux qui le soutenaient, et, tournant la tête du côté de la muraille, il garda le silence.

« Je crois, dit Dalgetty, que mon ami Ranald ne vaut guère mieux qu’un vrai païen ; » et il lui réitéra la proposition de lui envoyer le docteur Wiseheart, chapelain de Montrose. « C’est un homme très habile dans tous ses exercices, et qui vous lavera de tous vos péchés en moins de temps qu’il ne m’en faudrait pour