Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/537

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noir ; et cela, parce que cette queue étant à une énorme distance de sa personne, j’eus le malheur de la prendre pour un tapis de pied. — Il ne s’agit point d’amener ici Annette Lyle, reprit Mac-Eagh, mais de me transporter dans l’appartement où elle est occupée à soigner le chevalier d’Arvenvohr ; j’ai à leur communiquer à tous deux quelque chose de la dernière importance. — Il est tout à fait hors des convenances, reprit Dalgetty, de mettre un proscrit blessé en présence d’un chevalier, la chevalerie ayant été dès long-temps, et étant encore à quelques égards, le plus haut grade militaire, grade qui le met au niveau de presque tous les autres officiers. Cependant votre demande se bornant à cela, je vous l’octroie volontiers. » Et il donna ordre à trois soldats de transporter Mac-Eagh sur leurs épaules jusque dans l’appartement de sir Duncan Campbell, ayant soin de prendre les devants pour annoncer le motif de cette visite si inattendue. Mais les soldats avaient exécuté ses ordres avec une telle promptitude, qu’ils marchèrent pour ainsi dire sur ses pas, et qu’à peine fut-il entré ils déposèrent à terre le moribond. Les traits de Ranald, naturellement farouches, étaient alors décomposés par les souffrances qu’il éprouvait ; ses mains et ses vêtements étaient tachés de son propre sang et de celui des autres, car personne n’avait songé à en effacer les traces, quoique l’on eût appliqué un bandage sur la blessure.

« Est ce vous, » dit-il en soulevant péniblement sa tête et en se tournant vers l’endroit où était étendu son ancien ennemi ; « est-ce vous que l’on appelle le chevalier d’Ardenvohr ? — Moi-même, répondit sir Duncan ; que voulez-vous d’un homme dont les heures sont comptées ? — Les miennes sont réduites à des minutes, reprit le proscrit ; il faut donc me savoir gré si je les dévoue au service de celui dont la main a toujours été levée sur moi, et sur lequel la mienne s’est appesantie à son tour d’une manière encore plus terrible. — Ta main s’est appesantie sur moi, misérable vermisseau ! » s’écria le chevalier en lui jetant un regard de mépris.

« Oui, mon bras s’est montré plus lourd que le tien ; les blessures que je t’ai faites ont été profondes, quoique celles que j’ai reçues de loi n’aient pas été légères. Je suis Ranald Mac-Eagh, je suis Ranald du Brouillard ; rappelle-toi la nuit où je livrai ton château à la fureur des flammes, où tes enfants tombèrent sous le poignard de mes compagnons. Mais rappelle-toi les maux que tu avais faits à ma tribu ; jamais personne, à l’exception d’un seul