Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/533

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pour lui donner la mort ; il s’était établi entre elle et lui une intimité qui nécessairement lui avait fait connaître tout le mérite du jeune comte, dont les attentions et les assiduités pouvaient d’autant moins lui échapper, que par la supériorité de son esprit, par sa grâce, par son amabilité, il était bien supérieur aux guerriers à demi sauvages parmi lesquels elle vivait. Mais son attachement, quelque tendre qu’il fût, était de cette nature calme, timide, méditative, qui porte à rechercher le bonheur de l’objet aimé plutôt qu’à concevoir des espérances ardentes et présomptueuses ; cette affection était telle, enfin, que la seule certitude de la félicité de Menteith eût suffi à son propre bonheur. Il existe une chanson gaélique dans laquelle elle aimait à exprimer ses sentiments, et qui a été traduite par le spirituel et infortuné Alexandre Mac-Donald. Elle est ainsi conçue.


le tendre aveu.


Dans un humble vallon, où se cache la vie,
Oh ! que n’es-tu né comme moi !
Qu’avec plaisir j’eusse avec toi
Partagé ce destin à l’abri de l’envie !
Avec toi, mon ami, partout j’eusse volé
Sur la terre et même sur l’onde,
Où le vent, de son souffle ailé,
Eût poussé ma nef vagabonde ;
Mais des dieux un injuste arrêt
Me sépare, hélas ! de toi-même.
Sois heureux ! et mon cœur avec moins de regret
Priera pour l’objet seul que j’aime.

À souffrir bien des maux ce cœur est destiné,
Lorsque la riante espérance
L’aura bientôt abandonné ;
Mais rien ne trahira sa profonde souffrance.
On ne me verra point, triste et dans le silence,
Cédant à de vagues souhaits,
De pleurs humecter ma paupière…
De peur que ma douleur amère
Ne trouble d’un ami le bonheur et la paix.


La déclaration violente et impétueuse d’Allan venait de détruire le projet romanesque qu’elle avait formé de nourrir en secret sa tendresse rêveuse, sans chercher à obtenir le moindre retour. Depuis long-temps, déjà elle redoutait Allan, autant que pouvaient le lui permettre la reconnaissance et la conviction où elle était qu’il cherchait à adoucir pour elle son caractère fougueux et indomptable ; mais alors elle ne pensait à lui qu’avec un sentiment de terreur dont elle ne pouvait se défendre, et que la connaissance de son caractère vindicatif et de l’histoire de sa vie ne justifiait