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Annette Lyle, comme c’était assez l’usage parmi les femmes des Highlands, possédait quelques connaissances en médecine et même en chirurgie. On croira sans peine que ces deux professions, considérées séparément, étaient inconnues dans ces contrées ; et le peu de règles que l’on observait était confié aux femmes et aux vieillards qui, grâce aux guerres fréquentes de cette époque, n’avaient que trop d’occasions d’acquérir de l’expérience.

Les soins et les connaissances d’Annette Lyle, la prudence avec laquelle elle les appliquait, avaient rendu ses services très-utiles pendant cette campagne extraordinaire. Amis ou ennemis avaient reçu ses secours ; elle les avait portés partout où ils avaient été nécessaires. Elle était alors dans un appartement du château, surveillant avec attention la préparation de plusieurs herbes vulnéraires, donnant ses instructions à plusieurs des femmes qui s’étaient mises sous sa direction, écoutant les remarques que lui faisaient les autres, lorsque Allan Mac-Aulay se présenta subitement devant elle. Elle tressaillit de surprise, car elle avait entendu dire qu’il avait quitté le camp pour remplir une mission lointaine ; et quelque habituée qu’elle fût à son air sombre, elle crut remarquer en lui quelque chose de plus sinistre encore qu’à l’ordinaire. Il s’arrêta devant elle, et comme il continuait à le regarder dans un morne silence, elle crut devoir lui parler en ces termes :

« Je pensais, » lui dit-elle en faisant quelque effort sur elle-même, que vous étiez déjà parti. — Mon compagnon m’attend, répondit Allan, et je pars à l’instant. »

Cependant il continuait à rester devant elle, et lui prenant son bras, il le pressa non pas de manière à lui faire mal, mais assez fortement pour lui faire sentir sa force, à peu près comme si elle eût été prise dans une paire de menottes.

« Prendrais-je ma harpe ? » demanda-t-elle d’une voix timide ; « l’ombre noire descend-elle sur vous ? »

Au lieu de lui répondre, il la conduisit vers une des fenêtres de l’appartement d’où l’on découvrait le champ de bataille et toutes ses horreurs. On voyait çà et là des morts, des mourants, et d’avides soldats occupés à dépouiller ces victimes de la guerre et de l’ambition féodale, avec autant d’indifférence que s’ils n’eussent pas été leurs semblables, et qu’eux-mêmes n’eussent pas été exposés à subir le lendemain le même sort.

« Cette vue vous plaît-elle ? demanda Mac-Aulay. — Elle est hideuse ! répondit Annette en se couvrant les yeux de ses mains ;