Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/528

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il défendra son camarade tant qu’il le verra debout : mais, à peine renversé à terre, il le débarrassera de sa bourse avec autant de sang-froid qu’il va chercher la peau de Gustave pour s’en faire un justaucorps. — Et quand tout cela serait vrai, cousin, répondit Montrose, sachez que rien n’est plus commode que d’avoir à commander des soldats dont la conduite est dictée par des motifs que vous pouvez calculer avec une certitude mathématique. Une âme noble comme la vôtre est ouverte à mille sensations auxquelles celle de cet homme est aussi impénétrable que sa cuirasse, et ces vives sensations doivent toujours être présentes à la pensée de votre ami lorsqu’il vous donne un conseil. » Alors, changeant de ton tout à coup, il demanda à Menteith depuis quand il avait vu Annette Lyle.

« Pas depuis hier soir, » répondit le jeune comte en rougissant ; puis il ajouta en hésitant : « si ce n’est cependant un instant ce matin… une demi-heure à peu près avant la bataille. — Mon cher Menteith, » reprit Montrose avec une expression de tendre amitié, « si vous étiez l’un de ces cavaliers fanfarons de Whitehall, qui sont, dans leur genre, tout aussi égoïstes que notre ami Dalgetty, je n’aurais pas besoin de vous fatiguer par mes questions sur une amourette de ce genre ; ce serait plutôt une intrigue dont il faudrait rire. Mais nous sommes ici sur une terre d’enchantements, où les dames font avec leurs cheveux des filets aussi forts que l’acier ; et vous êtes homme à vous y laisser prendre. Cette jeune fille est belle, et ses talents sont faits pour captiver votre imagination romanesque, je l’avoue ; mais… vous êtes incapable de songer à lui faire une injure, et… vous ne pouvez songer à devenir son époux. — Milord, répondit Menteith, vous m’avez déjà fait plusieurs fois cette plaisanterie, car c’est ainsi, j’imagine, que je dois regarder ce que vous venez de me dire, bien que vous sortiez un peu des bornes ordinaires. Annette Lyle est d’une naissance inconnue ; elle est captive ; elle est probablement la fille de quelque proscrit obscur ; elle doit tout à l’hospitalité des Mac-Aulay. — Ne vous fâchez pas, Menteith, reprit Montrose en l’interrompant ; « vous aimez les classiques, quoique vous n’ayez pas été élevé au collège Mareschal, et vous devez vous souvenir que la beauté captive a toujours soumis bien des cœurs :


Movit Ajacem Telamone natum,
Forma captivæ, dominum, Tecmessæ[1].

  1. La beauté de Tecmesse captive rendit sensible son maître, le grand Ajax, fils de Télamond. a. m.