Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/527

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et les loups commencent cette nuit une attaque sur Gustave, car ils trouveront autour de lui une chère beaucoup plus délicate. Mais, ajouta-t-il, comme je dois me trouver dans la compagnie de deux honorables chevaliers de l’Angleterre, et plusieurs autres qui occupent un rang distingué dans l’armée de Votre Excellence, j’ose vous prier de vouloir bien leur expliquer que, comme chevalier banneret revêtu de ce titre sur le champ de bataille, je réclame la préséance pour le présent et l’avenir. — Que le diable le confonde ! » dit Montrose à voix basse, « il rallume le feu quand je viens de l’éteindre… Cette question, sir Dugald » dit-il gravement en s’adressant au major, « n’est point de ma compétence, et je la soumettrai à Sa Majesté, qui en décidera. Dans mon camp, tous les officiers sont sur le pied de l’égalité comme les chevaliers de la table ronde, et ils prennent leur place comme des guerriers et d’après ce principe : Premier venu, premier servi. — Je veillerai donc, » dit Menteith tout bas au comte, « à ce que la première place ne soit pas aujourd’hui pour don Dugald… Sir Dugald, » ajouta-t-il en élevant la voix, « puisque vous dites que votre garde-robe est en mauvais état, ne feriez vous pas bien d’aller au camp, jeter un coup d’œil sur le bagage enlevé à l’ennemi ? J’ai vu tout à l’heure un magnifique vêtement en peau de buffle brodé en soie et en argent. — Voto à Dios ! comme dit l’Espagnol, s’écria le major, et quelque misérable peut mettre la main dessus tandis que je suis ici à jaser.

La perspective du butin lui ayant fait oublier et Gustave et ses prétentions à la préséance, il donna un coup d’éperon à Récompense-de-Loyauté, et se dirigea au galop à travers le champ de bataille.

« Voilà le limier en chasse, dit Menteith, foulant aux pieds les restes de plus d’un homme qui valait mieux que lui ; il s’élance avec autant d’avidité sur un vil butin que le vautour sur sa proie. Et cependant on qualifie de soldat un tel homme ! et vous-même, milord, vous le jugez digne de lui accorder les honneurs de la chevalerie, si toutefois on peut encore les qualifier ainsi ! Ah, vous avez fait du collier de cet ordre sacré la décoration d’un limier. — Que pouvais-je faire ? je n’avais pas d’os à lui jeter, et je ne pouvais suivre seul le gibier. D’ailleurs il a des qualités incontestables. — Si la nature lui en a donné, l’habitude les a changées en égoïsme sans bornes. Il peut tenir à la renommée, être brave dans le combat, mais c’est parce qu’il est convaincu que sans ces qualités il ne pourrait avancer en grade. De même,