Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/526

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ce rapport. Mais comme ce sont les relations intimes de la vie privée qui forment le caractère social, de même que le simple soldat ne peut guère polir ses mœurs dans la conversation de son sergent ou de son caporal, de même Récompense-de-Loyauté n’a pu adoucir et améliorer beaucoup les siennes avec les palefreniers de Son Excellence, qui gratifient l’animal confié à leurs soins de plus de jurements, de coups de pied, ou de coups de poing, que d’amitié et de caresses : aussi voit-on souvent un généreux quadrupède devenir misanthrope et montrer plus de penchant à ruer et à mordre son maître, qu’à l’aimer et à le craindre. — C’est parler comme un oracle, dit Montrose ; s’il y avait au collège Mareschal d’Aberdeen une chaire pour l’éducation des chevaux, sir Dugald serait digne de l’occuper. — Parce que, ajouta Menteith à l’oreille du général, sir Dugald étant un âne, il y aurait quelque espèce de rapport entre le professeur et les élèves, n’est-il pas vrai ? — Maintenant, avec la permission de Votre Excellence, » reprit le chevalier nouvellement promu, « je vais faire mes derniers adieux à mon vieux compagnon d’armes. — Si c’était dans le dessein de célébrer ses funérailles, » répondit le comte ne sachant trop jusqu’où l’enthousiasme du chevalier pouvait le conduire, « songez, je vous prie, que nous déplorons la mort d’un grand nombre de braves qui ne recevront par les honneurs funèbres. — Votre Excellence me pardonnera, dit Dalgetty ; mon projet est beaucoup moins romanesque. Je veux partager les restes de mon pauvre Gustave avec les oiseaux du ciel, leur abandonnant la chair, et gardant pour moi le cuir, dont j’ai l’intention, en mémoire de mon amitié pour lui, de faire un justaucorps et des pantalons à la mode tartare, pour mettre sous mon armure ; car, réellement, mes vêtements sont dans un état si pitoyable que j’ai honte de les porter. Hélas ! mon pauvre Gustave, que n’as-tu vécu au moins une heure de plus, tu aurais porté un honorable chevalier ! »

À ces mots il se retournait pour s’éloigner, lorsque Montrose le rappela. « Comme il n’est pas probable, lui dit-il, que vous soyez prévenu dans ce dernier témoignage d’amitié pour votre vieux camarade, je pense que vous ne refuserez pas d’aider nos amis et moi à déguster la bonne chère et le bon vin d’Argyle, dont nous avons trouvé le château abondamment pourvu. — Très-volontiers, répondit sir Dugald ; jamais ni repas ni messe ne nuisent à une affaire. D’ailleurs je ne puis craindre que les aigles