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bientôt elle fut rendue irréparable par la mort d’Auchenbreck, qui tomba tandis qu’il s’efforçait de rétablir l’ordre.

Le chevalier d’Ardenvohr, secondé par deux ou trois cents hommes, tous de noble naissance et d’une valeur éprouvée, s’efforça, avec un héroïsme devenu inutile, de protéger la retraite du reste de l’armée. Leur intrépidité leur devint funeste : chargés coup sur coup par de nouveaux adversaires, ils furent forcés de se séparer les uns des autres, jusqu’à ce qu’enfin il ne leur restât d’autre ressource que d’acheter une mort honorable par une résistance désespérée.

« Rendez-vous, sir Duncan, » s’écria le major Dalgetty en reconnaissant son ancien hôte et deux autres champions qui se défendaient contre plusieurs montagnards ; et, pour donner de l’effet à ses paroles, il courut sur lui l’épée à la main. Sir Duncan ne répondit qu’en déchargeant un pistolet qu’il gardait en réserve. Le coup porta, non sur le cavalier, mais sur son vaillant coursier qui, frappé au cœur, tomba roide mort. Ranald Mac-Eagh, qui était du nombre de ceux qui serraient sir Duncan de plus près, saisit cette occasion pour lui porter un coup de sa claymore, et il le frappa au moment où il se préparait à saisir son second pistolet.

Allan Mac-Aulay arriva en ce moment. Tous ceux qui étaient engagés de ce côté du champ de bataille étaient du clan de son frère, à l’exception de Ranald. « Vilains, s’écria-t-il, qui de vous a osé porter la main sur le chevalier d’Ardenvohr, lorsque je vous avais donné l’ordre positif de le prendre vivant ? »

Une demi-douzaine de montagnards qui se disputaient l’avantage de dépouiller le chevalier vaincu, dont les armes et le costume étaient d’une magnificence proportionnée à son rang, s’arrêtèrent, et cherchèrent à se disculper en rejetant le blâme sur l’homme de l’île de Skie, nom qu’ils donnaient à Ranald Mac Eagh.

« Chien d’insulaire ! » s’écria Allan, oubliant dans sa colère leur fraternité en prophétie, « poursuis l’ennemi, et gardes-toi de toucher davantage à ce guerrier, si tu ne veux mourir de ma main. » Ils étaient alors presque seuls, car les menaces d’Allan avaient forcé les hommes de son clan à s’éloigner, et tous se précipitaient vers le lac, semant devant eux la terreur et la confusion, et ne laissant derrière eux que des morts et des mourants.

Le moment était trop favorable pour que Mac-Eagh ne cédât pas à l’esprit de vengeance qui le dévorait intérieurement. « Moi, mourir de ta main encore teinte du sang des miens ! » s’écria-t-il