Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/504

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la source du Loch-Awe, le passage de ces déserts immenses paraîtrait encore une tâche difficile à nos infatigables soldats. Mais à cette époque, il n’existait ni route ni sentier d’aucune espèce ; et, pour comble de difficultés, les montagnes étaient déjà couvertes de neige. C’était un spectacle majestueux que ces masses gigantesques entassées les unes sur les autres : celles qui étaient sur le premier plan montraient leurs sommets éblouissants de blancheur, tandis que les plus éloignées apparaissaient sous une teinte rosée que leur prêtaient, aux approches de l’hiver, les rayons du soleil couchant. Ben Cruachan, le plus élevé de tous, paraissait là comme la citadelle du génie de la région des montagnes ; et sa cime orgueilleuse, surpassant toutes les autres en hauteur, se distinguait de plusieurs milles à la ronde.

Les soldats de Montrose n’étaient pas des hommes capables de se laisser intimider par le spectacle majestueux et terrible qui se déployait sous leurs yeux. La plupart descendaient de cette ancienne race de montagnards qui non-seulement dormaient paisiblement sur la neige, mais qui regardaient même comme un luxe efféminé de la pétrir pour s’en faire un oreiller. L’espoir de la vengeance et du pillage brillait à leurs yeux derrière ces montagnes de glace, et les obstacles ne pouvaient les effrayer.

Montrose ne laissa pas à leur ardeur le temps de se refroidir. Il donna l’ordre aux cornemuses de jouer l’ancienne marche nommée Hoggil-nam-bo[1], etc. qui veut dire : « Nous accourons pour saisir notre proie, » dont les sons éclatants et perçants avaient souvent frappé de terreur les vallées de Lennox. Les guerriers s’élancèrent avec l’agilité et l’ardeur des montagnards dans ce défilé dangereux où Ranald, à la tête d’un parti choisi, marchait le premier pour reconnaître le chemin.

Jamais la puissance de l’homme ne paraît plus faible et plus misérable que lorsqu’elle se trouve placée en opposition avec le grand spectacle d’une nature imposante et terrible. L’armée victorieuse de Montrose, dont les exploits avaient frappé toute l’Écosse d’épouvante, s’efforçant de gravir ces hauteurs redoutables, ressemblait à une poignée de vils maraudeurs qui, à chaque instant, paraissaient sur le point d’être engloutis par des précipices qui s’entr’ouvraient sous leurs pas comme les horribles mâchoires des géants de ces montagnes. Montrose lui même se repentit

  1. C’est le pibroch ou chant de guerre du clan belliqueux et déprédateur de Mac-Farlane, qui habitait les rires occidentales de Loch-Lomond. a. m.