Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/503

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« Et sous quel costume le fantôme vous apparut-il ? — Avec son plaid aussi retourné, » répondit Allan d’une voix sourde et d’un ton convulsif.

« Alors, répondit Ranald, soyez certain que nul autre que vous ne commettra l’acte que la vision vous a présenté. — Voilà ce que mon âme inquiète a cent fois soupçonné, reprit Allan : mais c’est impossible ! quand bien même je lirais cet arrêt dans le livre éternel du Destin, je dirais que c’est impossible ; nous sommes unis par les liens du sang et par d’autres plus intimes encore ; nous avons combattu côte à côte, et nos épées se sont teintes du sang des mêmes ennemis ; non, vous dis-je, il est impossible que ma main le frappe ! — Elle le frappera cependant, répondit Ranald, cela est certain, bien que le motif de cet acte reste enveloppé dans les ténèbres de l’avenir. Vous dites, » continua-t-il en cachant non sans peine les émotions secrètes qui l’agitaient, « que vous avez poursuivi ensemble votre proie comme des limiers altérés de sang ? Mais n’avez-vous jamais vu de ces limiers tourner leurs dents l’un contre l’autre, s’attaquer et se combattre sur le corps d’un daim expirant ? — C’est faux ! » s’écria Mac-Aulay en tressaillant d’horreur ; « ce ne sont point là les prédictions du Destin, mais les insinuations perfides de quelque esprit malin, sorti d’un noir et profond abîme ! » À ces mots il s’élança hors de la tente.

« Le coup est porté ! » s’écria l’Enfant du Brouillard tandis que son œil le suivait avec l’expression du triomphe ; « le trait est entré dans ton cœur ! Esprits de mes fils assassinés, réjouissez-vous ! bientôt vos meurtriers plongeront leurs épées dans le sang l’un de l’autre. »

Le jour suivant, tous les préparatifs furent terminés, et Montrose, se dirigeant par une marche rapide vers la rivière du Tay, étendit son armée dans la vallée romantique qui entoure le lac du même nom. Les habitants étaient des Campbells, non pas, il est vrai, vassaux d’Argyle, mais ses alliés, et du clan de Glenorchy, qui porte maintenant le nom de Breadalbane. Pris à l’improviste et nullement préparés à la résistance, ils furent obligés d’être les spectateurs passifs des ravages qui se commettaient sur leurs terres et de l’enlèvement de leurs troupeaux. C’est ainsi que Montrose, dévastant tout le pays qu’il fut obligé de traverser, s’avança jusqu’aux rives du lac Dochart et atteignit enfin le point le plus périlleux de son entreprise.

Même aujourd’hui qu’une route sûre conduit de Teinedrum à