Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/501

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ger. Ce regard fixe embarrassa tellement Ranald Mac Eagh, que, s’attendant à être attaqué subitement, sa main se porta sur son poignard lorsque Allan Mac-Aulay, s’avançant tout à coup, lui tendit la main en le saluant d’un air amical. Ils s’assirent alors l’un à côté de l’autre, et causèrent à voix basse et d’un air mystérieux. Menteith et Angus Mac-Aulay ne parurent nullement surpris de cette singularité, car il existait parmi les montagnards qui se prétendaient doués de seconde vue une sorte de franc-maçonnerie qui les portait généralement, dès le premier abord, à entrer en communication sur la nature et l’étendue de leurs connaissances et de leurs visions.

« La vision descend-elle sur votre esprit sous une forme sombre ? » demanda Allan à sa nouvelle connaissance.

« Sous une forme aussi sombre que les ténèbres lorsque la lune s’obscurcit au milieu de son cours et que les prophètes prédisent quelque malheur, répondit Ranald. — Venez ici, reprit Allan, venez plus près ; je voudrais causer avec vous en particulier, car on dit que dans vos îles éloignées la vision descend avec plus de clarté et de puissance que sur nous qui demeurons près du Sassenach. »

Tandis qu’ils étaient livrés à cette mystérieuse conférence, les deux cavaliers anglais dont il a été parlé au commencement de cette histoire entrèrent de l’air le plus joyeux, et annoncèrent à Angus Mac-Aulay que des ordres venaient d’être donnés pour que chacun se tînt prêt à marcher vers l’ouest. Après avoir annoncé gaiement ces nouvelles, ils firent leurs compliments à leur ancienne connaissance, le major Dalgetty, qu’ils reconnurent à l’instant, et s’informèrent de la santé de son coursier Gustave.

« Je vous remercie humblement, messieurs, répondit le major ; Gustave se porte bien, quoiqu’il ait, comme son maître, les côtes un peu plus maigres qu’à l’époque où vous me proposâtes obligeamment de m’en débarrasser à Darnlinvarach ; et permettez-moi de vous assurer qu’avant que vous ayez fait une ou deux de ces excursions qui paraissent tant vous sourire, vous laisserez derrière vous, mes honorables chevaliers, une bonne partie de votre embonpoint et quelques-uns de vos chevaux. »

Tous deux s’écrièrent que peu leur importait de trouver ou de laisser quoi que ce fût, pourvu qu’ils cessassent d’aller et de venir ainsi du comté d’Angus dans celui d’Aberdeen, poursuivant sans relâche un ennemi qui ne voulait ni combattre ni mettre bas les armes.