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mais pu faire du bien ni à elle-même ni aux autres. — En vérité, répliqua Lucy, vous ne rendez pas justice à la vieille Alix. Elle n’est nullement mercenaire, et ne voudrait pas prendre un denier qui lui serait offert comme charité, dût-il l’empêcher de mourir de faim. Elle est causeuse, comme toutes vieilles gens, quand on les met sur le chapitre des histoires de leur jeunesse, et elle parle de la famille de Ravenswood chez laquelle elle a vécu très-longtemps. Mais je suis sûre qu’elle est reconnaissante de la protection que vous lui accordez, et qu’elle causerait avec vous avec plus de plaisir qu’avec toute autre personne. Je vous en prie, mon père, venez voir la vieille Alix. »

Et avec la liberté que se donne une fille chérie, elle fit prendre au lord Keeper le chemin qu’elle désirait.






CHAPITRE IV.

la vieille aveugle.


À travers les sommets des arbres élevés elle aperçut une fumée légère, dont la faible vapeur s’élevait en tourbillons jusqu’aux nues, signe agréable qui démontra à ses yeux que là habitait quelque créature vivante.
Spenser.


Lucy servit de guide à son père, trop absorbé par ses travaux politiques, ou les devoirs de la société, pour avoir une connaissance parfaite de ses vastes domaines ; d’ailleurs il demeurait habituellement à Édimbourg ; Lucy, au contraire, passait tout l’été à Ravenswood, avec sa mère ; et soit par goût, soit à défaut d’autre amusement, elle avait dans ses fréquentes promenades appris à connaître chemin, sentier, vallon, fondrière couverte de buissons,

« Et de ces bois de tous côtés
Les abords les moins fréquentés. »

Nous avons dit que le lord Keeper n’était pas insensible aux beautés de la nature, et nous devons lui rendre la justice d’ajouter qu’il en jouissait doublement lorsqu’elles lui étaient montrées par la fille charmante, simple et attentive, qui, appuyée sur son bras, lui faisait admirer tantôt la hauteur et la grosseur d’un chêne antique, tantôt un détour inattendu, d’où le sentier, développant ses sinuosités à travers un labyrinthe de vallons et de collines, atteignait subitement le sommet d’une éminence, dominait sur une vaste étendue de plaines, puis s’écartait graduel-