Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/492

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gués : tantôt il se voyait arborant la bannière royale sur le château reconquis d’Édimbourg, expédiant des troupes au secours d’un monarque dont la couronne dépendait de ses victoires, et recevant en récompense tous les honneurs qui environnent celui qu’un roi se plaît à combler de ses faveurs ; tantôt cette illusion, quelque brillante qu’elle fût, s’évanouissait devant celle d’une vengeance satisfaite et d’un triomphe personnel sur son ennemi. Surprendre Argyle dans sa forteresse d’Inverary, écraser en lui tout à la fois le rival de sa propre maison et le principal appui des presbytériens ; montrer à ce parti quel était l’homme auquel il n’avait pas craint de préférer Argyle : c’était là un tableau qui flattait trop son orgueil féodal et son désir de vengeance, pour que son imagination l’abandonnât aisément.

Tandis qu’il flottait ainsi entre des pensées et des sentiments contradictoires, le soldat qui faisait sentinelle à sa porte vint lui annoncer que deux hommes désiraient lui parler.

« Leurs noms ? demanda Montrose, et le motif de leur visite à une telle heure ? »

Le soldat, qui était un des Irlandais de Colkitto, ne put répondre que d’une manière peu satisfaisante à cette question de son général, et Montrose, qui, à cette époque, n’osait refuser audience à qui que ce fût, de peur de négliger des avis importants, donna ordre, par mesure de précaution, de mettre la garde sous les armes, et se prépara à recevoir les étrangers. Son écuyer avait à peine eu le temps d’allumer deux torches et Montrose de quitter son lit de fougère, que deux hommes entrèrent : l’un portait le costume des habitants des basses terres, consistant en un vêtement de peau de buffle presque en lambeaux ; l’autre était un vieux montagnard à la taille droite et élevée, à la figure maigre et au teint gris de fer, dont les vêtements portaient des traces non moins évidentes des injures du temps.

« Que demandez-vous, mes amis ? » dit Montrose en portant involontairement la main sur l’un de ses pistolets ; car dans ces temps de troubles, et à une pareille heure, la mine des deux étrangers n’était nullement propre à dissiper la méfiance.

« La permission de vous féliciter, » répondit l’habitant des basses terres ; « oui, mon brave général, mon légitime et noble seigneur, la permission de vous féliciter sur les grandes victoires que vous avez remportées depuis que je vous ai quitté. Ce fut une jolie affaire, ma foi, que cette bataille de Tippermuir, si les-