Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/490

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Tous les chefs de l’ouest qui faisaient partie de l’armée de Montrose considéraient le marquis d’Argyle comme le but principal de leurs hostilités. Presque tous avaient éprouvé l’effet de son pouvoir ; presque tous, en mettant sur pied leurs vassaux en état de porter les armes, laissaient leurs familles et leurs biens exposés à toute sa vengeance ; tous sans exception étaient donc désireux de diminuer son autorité, et la plupart avaient leurs possessions si près de ses domaines, qu’ils pouvaient avec quelque raison espérer obtenir une part dans ses dépouilles. Pour ces chefs, l’acquisition d’Inverary et de son château était un événement infiniment plus important et plus désirable que la prise d’Édimbourg, qui ne pouvait guère offrir à leurs soldats qu’une gratification éventuelle ou quelques heures de pillage ; tandis que la première assurait aux chefs eux-mêmes indemnité pour le passé et sécurité pour l’avenir. Outre ces raisons personnelles, les chefs qui partageaient cette opinion appuyaient fortement sur la diminution évidente que subiraient les forces de Montrose, à mesure qu’il s’éloignerait des montagnes, quelque supérieures qu’elles fussent au premier moment de son invasion dans les basses terres, tandis que l’armée presbytérienne se renforcerait de toutes les garnisons voisines et de tous ceux de ce parti. Au contraire, en travaillant à écraser Argyle, non-seulement il permettrait aux amis qui lui restaient dans l’ouest d’envoyer à son secours les troupes dont autrement la présence serait nécessaire dans leurs foyers pour assurer la protection de leurs familles, mais encore il verrait se ranger sous ses étendards plusieurs clans déjà disposés à embrasser sa cause, et qui, s’ils différaient de se réunir à lui, n’étaient retenus que par la crainte qu’inspirait le seul nom de Mac Callum More.

Montrose sentait au fond de son âme quelque chose qui militait en faveur de ces arguments, mais qui ne s’accordait pas tout à fait avec l’héroïsme et la générosité de son caractère. Les maisons d’Argyle et de Montrose avaient été autrefois en opposition fréquente soit dans la guerre soit dans la politique, et les avantages éclatants obtenus par la première l’avaient rendue l’objet de l’envie et de la haine de sa rivale, moins bien servie par la fortune et par la faveur.

Ce n’était pas tout : les deux chefs actuels de ces familles n’avaient cessé d’être en opposition ouverte depuis le commencement de ces derniers troubles. Montrose, par la supériorité reconnue de ses talents et les grands services qu’il avait rendus aux presbytériens au commencement de la guerre, s’était at-