Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/479

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en plaçant deux archers détachés sur chaque flanc, comme postes d’observation, lorsque le hurlement rapproché du limier leur apprit que leurs ennemis étaient au pied du rocher. Tous gardèrent un silence pareil à celui de la mort, car, malgré sa loquacité ordinaire, le major Dalgetty n’ignorait pas la nécessité de se taire dans une embuscade.

La lune brillait sur le sentier inégal, et sur les pointes des rocs escarpés autour desquels il serpentait. Sa lumière était interceptée çà et là par les branches des buissons et des petits arbres qui, ayant enfoncé leurs racines dans les crevasses des rochers, ombrageaient en quelques endroits les bords et le sommet du précipice. Au-dessous, un épais taillis formait une ombre noire, ressemblant aux vagues de l’Océan vu dans le lointain. Du milieu de ces ténèbres, et au fond du précipice, le limier faisait entendre ses hurlements épouvantables, que les échos des bois et des rochers d’alentour répétaient successivement ; par intervalles, y succédait un profond silence, interrompu seulement par les bruit et le murmure d’un petit ruisseau, qui, sortant du rocher, se frayait un passage le long de ses flancs sinueux. On entendait aussi les ennemis causer à voix basse : il semblait qu’ils n’avaient pas encore découvert l’étroit sentier qui conduisait au sommet du rocher, ou que s’ils l’avaient découvert, le danger de le gravir, soit à la lumière imparfaite qui les éclairait, soit dans le cas où il serait défendu, les faisait hésiter à s’y engager.

À la fin, on vit l’ombre d’un homme sortir de cet abîme d’obscurité, et qui commença à gravir le sentier avec précaution et lentement. À la lueur de la lune, on le distinguait si bien, que le major put reconnaître, non seulement un Highlander, mais encore le long fusil qu’il tenait à sa main et les plumes qui décoraient son bonnet. « Tausend teiflen[1] ! (Dieu me pardonne de jurer dans un pareil moment !) » murmura-t-il à voix basse ; « que deviendrons-nous s’ils ont apporté de la mousqueterie pour répondre à nos archers ? »

Mais à l’instant où cet homme, ayant atteint une saillie du rocher à mi-chemin du sentier, s’arrêtait pour faire signe à ceux qui étaient encore au bas de le suivre, une flèche que décocha un des Enfants du Brouillard lui fit une blessure si grave que, sans faire le moindre effort pour sauver sa vie, il perdit l’équilibre et roula, la tête la première, du haut du rocher jusqu’au fond du précipice.

  1. Mille diables. a. m.