Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/478

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Non eget Mauri jaculis, neque arcu,
Nec vencautis gravidâ sugittis
Fusce, phuretrâ[1]. »


Ranald Mac Eagh imposa une seconde fois silence au loquace major en le tirant de nouveau par sa manche et en lui montrant du doigt le sentier. Les aboiements du limier approchaient de plus en plus, l’on put même entendre la voix de plusieurs hommes qui accompagnaient l’animal, et qui s’appelaient l’un l’autre lorsqu’ils s’étaient écartés, soit dans la précipitation de leur marche, soit pour fouiller plus soigneusement les buissons qui se trouvaient sur leur passage. Il est évident qu’ils approchaient de plus en plus. Mac Eagh, en cet instant, proposa au major de se débarrasser de son armure, et lui fit entendre que les femmes la transporteraient en lieu de sûreté.

« Je vous demande pardon, mon ami, mais les règlements militaires s’y opposent. Je me rappelle que l’immortel Gustave réprimanda les cuirassiers du régiment de Finlande, et leur fit enlever leurs timbales, pour s’être permis de se mettre en route sans leurs cuirasses et de les laisser avec les bagages : jamais timbales ne battirent plus à la tête de ce fameux régiment qu’après la bataille de Leipsick, où il se conduisit d’une manière brillante. C’est une leçon qu’on ne doit pas oublier, non plus que ces paroles de l’immortel Gustave : « Si mes officiers veulent me prouver qu’ils m’aiment, ils reprendront aujourd’hui leur armure ; car s’ils sont tués, qui conduira mes soldats à la victoire ? » Cependant, mon ami Ranald, rien ne m’empêche de quitter ces bottes un peu pesantes, pourvu que vous me procuriez quelque autre chaussure pour les remplacer, car je doute que mes pieds nus soient assez endurcis pour marcher comme vos camarades sur les cailloux et les épines. »

Enlever au major ses grosses bottes, le chausser d’une paire de brogues de peau de daim, dont un Highlander se dépouilla pour les lui donner, fut l’affaire d’une minute ; et Dalgetty se trouva bien plus à l’aise après cet échange. Il recommanda à Mac Eagh d’envoyer deux ou trois de ses camarades un peu plus bas pour reconnaître le défilé, et en même temps d’étendre un peu son front,

  1. Passage extrait de l’ode xvii, livre Ier, d’Horace :
    Une vie équitable et vierge de complots
    Dédaigne, cher Furcus, en sa course rapide,
    Les traits empoisonnés du sauvage Numide
    Et des vils javelots.