Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/475

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« Ce doit être le signal de l’alarme, der strum[1], comme disent les Allemands. — Elle sonne l’heure de votre mort, répondit Ranald, si vous ne m’accompagnez plus loin. Chaque tintement de cette cloche annonce la mort d’un homme brave. — En vérité, Ranald, mon fidèle ami, je dois m’y résigner ; car je suis, comme je vous le disais, impeditus. Ah ! si j’étais expeditus, je me moquerais de marcher comme d’une fanfare de trompette. Je ferai donc mieux de m’enfoncer dans un de ces buissons, et d’y rester en repos en attendant le sort que Dieu me réserve. Quant à vous, Ranald, ne songez qu’à vous, je vous en prie, et abandonnez-moi à mon sort, comme le lion du nord, l’immortel Gustave-Adolphe, mon maître que je n’oublierai jamais, et dont sûrement vous avez entendu parler, le disait à François-Albert, duc de Saxe-Lauenbourg, lorsqu’il fut mortellement blessé dans les plaines de Lutzen. Cependant ne désespérez pas de mon salut, Ranald, car je me suis trouvé dans des circonstances plus difficiles en Allemagne ? particulièrement à la fatale bataille de Nerlingen[2], après laquelle je changeai de service… — Si, au lieu de vous épuiser à me raconter des histoires tout à fait inutiles, vous cherchiez à sortir de ce mauvais pas, » dit Ranald impatienté du bavardage de son compagnon, ou si vos pieds marchaient aussi vite que votre langue, vous pourriez reposer votre tête sur un oreiller plus doux que le billot sanglant de Mac Callum More. — Il y a dans ces paroles quelque chose de l’éloquence militaire, reprit le major, quoiqu’elles soient un peu légères et déplacées à l’égard d’un officier de distinction. Mais de telles libertés sont pardonnables pendant la marche, une des circonstances dans lesquelles, chez toutes les nations, on accorde aux troupes certaines licences. Poursuivons notre route, l’ami Ranald, maintenant que j’ai repris haleine : ou, pour parler plus clairement, I prœ, sequor[3], comme nous avions coutume de dire au collège Mareschal. »

Comprenant plutôt ses gestes que ses paroles, l’Enfant du Brouillard reprit sa route, avec une précision et une assurance qui ressemblaient à l’instinct d’un animal, à travers les sentiers les plus difficiles et les plus tortueux. Traînant avec peine ses

  1. Le tocsin. a. m.
  2. La bataille de Nerlingen ou Nordlingue, gagnée le 8 septembre 1034 par les Autrichiens et les Hongrois, ayant à leur tête Ferdinand Ernest, roi de Hongrie, fils de l’empereur Ferdinand II, contre les Suédois, commandes par le duc de Saxe-Weimar. a. m.
  3. Marche devant, je te suis. a. m.