Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/472

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excité des soupçons qui eussent été vérifiés sur-le-champ ; mais les officiers et les domestiques du marquis étaient accoutumés à la politique mystérieuse de leur maître, et ils supposèrent seulement que Dalgetty avait été mis en liberté, et qu’il était chargé par leur maître d’une mission particulière. Dans cette idée, après avoir reçu le mot de passe, ils le laissèrent sortir librement.

Dalgetty traversa lentement la ville d’inverary, accompagné du proscrit qui marchait comme un valet de pied à côté de son cheval. Lorsqu’ils passèrent devant le gibet, le vieux Ranald jeta un regard sur les cadavres et se tordit les mains. Son regard, son geste, ne durèrent qu’un instant, mais ils exprimaient une angoisse qu’on ne saurait dépeindre. Toutefois, reprenant ses esprits au même instant, Ranald dit, en passant, quelques mots à voix basse à l’une des femmes qui, comme Rezpah, la fille d’Aizah, semblaient occupées à garder et à pleurer les victimes de la justice et de la cruauté féodales. La femme tressaillit à sa voix, mais elle redevint calme aussitôt, et pour toute réponse, ne fit qu’une légère inclination de tête.

Dalgetty sortit de la ville, incertain s’il tenterait de saisir ou de louer un bateau pour passer le lac, ou s’il s’enfoncerait dans les bois, afin de se dérober à toutes les poursuites. Dans le premier cas, il pouvait être poursuivi immédiatement par les galères du marquis, qui étaient prêtes à mettre à la voile, leurs longues vergues tournées au vent ; et quel espoir pouvait-il avoir de leur échapper avec un bateau pêcheur des Highlands ? Dans le second cas, il s’exposait à s’égarer et à mourir de faim dans des forêts vastes et inconnues, alternative aussi redoutable que le danger d’être pris et que les conséquences qui s’en suivraient.

La ville était alors derrière lui, et il ne savait de quel côté tourner ses pas pour se mettre en sûreté ; alors il commença à sentir qu’en s’échappant de la prison d’Inverary, il n’avait fait qu’accomplir la partie la plus aisée d’une entreprise difficile. S’il était repris, le sort qui l’attendait n’était pas douteux ; car l’affront personnel qu’il avait fait à un homme aussi puissant et aussi vindicatif que le marquis ne pouvait être effacé que par sa mort. Tandis qu’il pesait ces réflexions accablantes et qu’il regardait autour de lui comme un homme indécis, Ranald Mac Eagh lui demanda tout à coup quelle route il voulait suivre.

« Voilà précisément, honnête camarade, répliqua Dalgetty, une question à laquelle je ne puis vous répondre. En vérité, Ra-