Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/470

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toute son assurance, Dalgetty fut un moment indécis sur ce qu’il devait faire. Le temps pressait cependant, et chaque moment augmentait la chance que le geôlier, en visitant la prison avant l’heure accoutumée, ne découvrît leur fuite. Enfin, s’adressant à voix basse à Ranald qui épiait tous ses mouvements, il lui dit de le suivre et de bien prendre garde de ne pas se trahir ; prenant lui-même un air dégagé, il descendit quelques marches qui conduisaient de la galerie dans le corps de la chapelle. Un homme moins expérimenté aurait essayé de passer rapidement, dans l’espoir de n’être point aperçu par le digne ministre ; mais le major, qui voyait quel danger le menaçait s’il échouait dans une telle tentative, s’avança gravement vers le ministre, qui se promenait au milieu du chœur, et, ôtant son chapeau, il se disposa à passer outre après l’avoir salué. Mais quelle fut sa surprise de reconnaître dans le prédicateur le même homme avec lequel il avait dîné au château d’Ardenvohr ! Cependant il retrouva promptement sa présence d’esprit ; et avant que le prêtre eût ouvert la bouche, il lui adressa le premier la parole.

« Je ne puis, dit-il, quitter ce château sans vous offrir, révérend ministre, mes très-humbles remercîments pour l’homélie dont vous nous avez favorisés ce soir. — Je n’ai point remarqué, monsieur, que vous fussiez dans la chapelle, répondit le ministre. — Il a plu à l’honorable marquis, » dit Dalgetty d’un air modeste, « de m’accorder une place dans sa propre galerie. » À ces mots, le ministre s’inclina profondément, car il savait qu’un tel honneur n’était jamais accordé qu’aux personnes d’un rang très-élevé. « Dans le cours de ma vie errante, ajouta le major, j’ai entendu des prédicateurs de différentes religions, des luthériens, des évangélistes, des réformés, des calvinistes et d’autres ; mais je n’ai jamais entendu une homélie telle que la vôtre. — Dites un prêche, mon digne monsieur, c’est le terme dont se sert notre Église. — Prêche ou homélie, c’est, comme disent les Allemands, ganz fortre flich[1] ; et je ne puis quitter ce château sans vous faire connaître l’impression que votre édifiant sermon a produite sur moi, et sans vous assurer combien je regrette d’avoir paru, hier pendant le repas, manquer au respect dû à une personne aussi vénérable que vous l’êtes. — Hélas ! mon digne monsieur, dit le ministre, nous nous rencontrons dans ce monde comme dans la vallée des ombres de la mort, sans savoir contre qui nous nous heurtons.

  1. C’est tout un. a. m.