Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/465

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geôlier vienne visiter ses prisonniers ; sinon je vous étrangle à l’instant : un heyduck[1] polonais qui avait été esclave au sérail ottoman m’a appris la bonne manière. Cela fait, je chercherai le moyen d’opérer ma retraite. — Scélérat ! vous m’assassinerez donc pour m’être montré trop bon envers vous ? dit Argyle d’une voix étouffée. — Non pas pour votre bonté, milord, répliqua Dalgetty, mais pour apprendre à Votre Seigneurie à respecter le jus gentium envers les cavaliers qui viennent vers vous avec un sauf-conduit, et secondement pour vous avertir du danger qu’il y a de proposer des conditions déshonorantes à un digne et brave soldat, afin de le tenter et de le faire devenir traître à son drapeau pendant la durée de son engagement. — Épargnez ma vie, dit Argyle, et je ferai ce que vous exigerez. »

Dalgetty ne lâcha pas prise ; il serrait la gorge du marquis, lorsqu’il le questionnait, se contentant de lui laisser ensuite le pouvoir de répondre.

« Où est la porte secrète de la prison ? demanda-t-il. — Levez la lanterne vers le coin à droite, et vous découvrirez le fer qui couvre le ressort. — C’est bien. Et où conduit le passage ? — À mon cabinet particulier derrière la tapisserie. — Et comment, de votre cabinet, pourrai-je gagner la porte du château ? — En passant à travers la grande galerie, l’antichambre, la salle des domestiques, le corps-de-garde. — Tout cela rempli de soldats, de factionnaires et de valets. Cela n’est pas mon affaire, milord. N’avez-vous pas quelque passage secret pour arriver à la porte du château, comme vous en avez pour venir à la prison ? j’en ai vu de semblables en Allemagne. — Il y en a un qui donne sur la chapelle et qui s’ouvre dans mon cabinet. — Et quel est le mot de passe ? — L’épée de Lévi. Mais si vous voulez vous fier à ma parole d’honneur, j’irai avec vous, je vous accompagnerai à travers les gardes, et je vous donnerai un passeport. — Je pourrais me fier à vous, milord, si votre gorge ne portait pas déjà l’empreinte de mes doigts. Mais maintenant beso las manos à usted, comme dit l’Espagnol. Vous pouvez me donner un passeport : y a-t-il de quoi écrire dans votre cabinet ? — Assurément, et des passeports en blanc sont prêts à être signés ; je vais vous y suivre. — Ce serait trop d’honneur pour moi ; Votre Seigneurie restera sous la garde de mon honnête ami Ranald Mac Eagh ; ainsi permettez-moi de vous traîner à distance de sa chaîne. Honnête Ranald,

  1. Sorte de laquais. a. m.