Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/455

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et maintenant je la vois briller. Lorsque vous serez resté aussi long-temps que moi dans cette obscurité, vos yeux distingueront les plus petits insectes qui rampent sur le plancher. — J’aimerais mieux que le diable me les arrachât avec ses griffes, dit Dalgetty : s’il doit en être ainsi, je préférerais me voir la corde au cou, faire la prière d’un soldat, suivie du saut de l’échelle. Mais quelle sorte de provisions avez-vous ici, mon frère en affliction ? quelle nourriture vous donne-t-on ? — Du pain et de l’eau une fois par jour, répondit la voix. — Je vous en prie, l’ami, laissez-moi goûter votre pain ; j’espère que nous agirons en bons camarades, tant que nous vivrons ensemble dans cet abominable réduit. — Le pain et la cruche d’eau sont dans le coin, à deux pas, à droite. Prenez, et grand bien vous fasse. Quant à moi, toute nourriture me sera bientôt inutile. »

Dalgetty n’attendit pas qu’il lui renouvelât son invitation, et allant à tâtons chercher les provisions, il commença à manger le pain d’avoine, noir et dur, avec autant d’appétit que nous lui en avons vu dans un meilleur repas.

« Ce pain, » dit-il la bouche pleine, « n’est pas très délicat, néanmoins il n’est pas beaucoup plus mauvais que celui que nous mangeâmes au fameux siège de Werben où le valeureux Gustave déjoua tous les efforts du vieux Tilly, ce héros si célèbre et si terrible, devant lequel deux rois avaient fui du champ de bataille, savoir Ferdinand de Bohème et Christian de Danemark : et quoique cette eau ne soit pas des plus douces, je bois en même temps à votre prompte délivrance, camarade, ainsi qu’à la mienne, malgré le grand désir que j’aurais que ce fût du vin du Rhin, ou au moins de la bière mousseuse de Lubeck, ce qui rendrait plus solennel le toast que je vous porte. »

Pendant que Dalgetty parlait ainsi, ses dents n’étaient pas plus oisives que sa langue, et il en finit promptement avec les provisions que la bonté ou l’indifférence de son compagnon d’infortune avait abandonnées à sa voracité. Lorsqu’il eut terminé son repas, il s’enveloppa dans son manteau, et s’assit dans un coin de la prison où il pouvait s’appuyer de chaque côté (car, comme il l’observa, il avait toujours, et dès son enfance, été grand partisan des fauteuils). Ensuite il commença à questionner son compagnon d’infortune.

« Mon honnête ami, dit-il, vous et moi étant camarades de lit et d’écuelle, il faut faire plus ample connaissance. Je me nomme