Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/453

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prendre les motifs pour lesquels ce major Dalgetty, comme il s’appelle lui-même, a été envoyé ici par lui. »

Les Campbells se réunirent autour du marquis et conversèrent à voix basse, en gaélique et en anglais. Le pouvoir patriarcal des chefs de clan était très-grand, et celui du marquis d’Argyle, armé de tous ses privilèges de juridiction héréditaire, était des plus absolus ; mais il y a toujours un frein quelconque dans le gouvernement même le plus despotique. Celui qui modérait le pouvoir des chefs celtiques était la nécessité où ils étaient de se concilier leurs parents, qui sous leurs ordres conduisaient les guerriers au combat, et qui formaient une espèce de conseil de la tribu durant la paix. Le marquis, en cette occasion se vit dans la nécessité de condescendre aux remontrances de ce sénat, ou, mieux, couroultai de la tribu des Campbells, et sortant du groupe, il donna des ordres pour éloigner le prisonnier et le conduire en lieu de sûreté.

« Prisonnier ! » s’écria Dalgetty se débattant avec une telle force qu’il manqua de renverser deux Highlanders qui, depuis quelques minutes, attendaient le signal de le saisir et se tenaient à cet effet derrière lui. Il fut si près de recouvrer sa liberté, que le marquis changea de couleur, fit deux pas en arrière, porta la main sur son épée, tandis que quelques hommes de son clan, avec un dévouement empressé, se jetèrent entre lui et le prisonnier dont ils redoutaient la vengeance.

Mais les deux Highlanders étaient trop vigoureux pour céder, et le malheureux major, après qu’on lui eut retiré ses armes offensives, fut entraîné hors de la salle. On lui fit traverser plusieurs passages obscurs, et il arriva devant une petite porte engagée dans un des murs latéraux et fermée par une grille de fer, après laquelle il s’en trouvait une autre en bois. Ces deux portes furent ouvertes par un vieux Highlander à l’air farouche, portant une longue barbe blanche, et un escalier composé de marches étroites et rapides, qui conduisait à une espèce de souterrain, s’offrit aux yeux du major Dalgetty. Ses gardes le poussèrent pour lui faire descendre deux ou trois marches ; puis, lui lâchant les bras, ils le laissèrent gagner à tâtons, comme il put, le bas de l’escalier, entreprise difficile et même dangereuse ; car les deux portes, fermées l’une après l’autre, laissèrent le prisonnier dans une obscurité complète.