Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/448

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peut-être avec quelque ostentation pour faire impression sur l’envoyé de Montrose, et lui donner une idée du pouvoir supérieur et de la magnificence de la maison de son rival le marquis d’Argyle. Une antichambre était remplie de laquais vêtus de livrées brunes et jaunes, couleurs de la famille ; ils étaient rangés sur deux lignes, et ils regardèrent en silence le major Dalgetty lorsqu’il passa au milieu d’eux. Une autre était occupée par des gentilshommes et des chefs highlanders, d’un rang inférieur, qui jouaient aux échecs, aux backgammon[1] et à d’autres jeux qu’ils interrompirent à peine pour jeter un regard de curiosité sur l’étranger. Une troisième était remplie de gentilshommes et d’officiers lowlanders, qui semblaient aussi faire partie de la maison du marquis. Enfin ils arrivèrent dans la salle d’audience, où le marquis était entouré d’une cour dont la splendeur indiquait sa haute puissance.

Cette salle, dont la porte à deux battants fut ouverte pour recevoir le major Dalgetty, était une longue galerie, décorée de tapisseries et de portraits de famille. Le plafond voûté était en bois travaillé à jour, et les extrémités des poutres étaient sculptées et richement dorées. De hautes fenêtres gothiques en forme de fers de lance, divisées par des traverses massives en pierre, et garnies de vitraux colorés, y laissaient à peine pénétrer l’éclat des rayons du soleil à travers les têtes de sanglier, les galères, les bâtons et les épées, armoiries de la puissante maison d’Argile, et emblèmes des hautes charges héréditaires de justicier d’Écosse et de maître de la maison royale, dont cette famille était en possession depuis long-temps. Au bout de cette magnifique galerie, était le marquis, au milieu d’un cercle de gentilshommes des Highlands et des Lowlands, tous splendidement vêtus, parmi lesquels on voyait deux ou trois membres du clergé, appelés peut-être pour être témoins de son zèle pour le Covenant.

Le marquis était habillé suivant la mode du temps, que Van-Dyck a si souvent peinte ; mais son habit était d’une couleur grave et uniforme, et plus riche qu’élégant ; son teint brun, son front ridé, ses yeux fixés à terre, lui donnaient l’air d’un homme fréquemment engagé dans la méditation d’affaires importantes, et qui avait pris, par suite d’une longue habitude, un air de gravité et de mystère dont il ne pouvait se dépouiller même lorsqu’il n’avait rien à cacher. L’expression de son regard, qui lui avait fait

  1. Espèce de trictrac. a. m.