Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/443

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme s’il avait eu seulement l’intention de prendre un peu le frais ; puis il ferma sa porte au nez du montagnard lorsque celui-ci fut à quelques pas de lui.

« Puisqu’il met une sentinelle à ma porte, » pensa-t-il en lui-même, « il me dégage de ma parole ; car, comme nous le disions au collège Mareschal, fides et fiducia sunt relativœ[1]. Si donc il ne se fie pas à ma parole, rien ne m’oblige à la tenir lorsque j’aurai quelque raison pour y manquer. Bien certainement, l’emploi de la force physique détruit l’obligation morale d’un engagement. »

Ainsi contrarié dans ses projets par la vigilance de son gardien, le ritt-master Dalgetty, retiré dans sa chambre, se livra à des calculs sur la tactique ; parfois il quittait la théorie pour la pratique, en faisant des attaques sur le flacon et le pâté. C’est ainsi qu’il passa sa soirée jusqu’au moment où il se livra au repos. Le matin il fut éveillé au point du jour par Lorimer, qui lui annonça qu’après le déjeuner, pour lequel il lui apportait d’amples provisions, son coursier et ses guides seraient prêts à partir pour Inverary. Après s’être rendu aux avis hospitaliers de Lorimer, le major se disposa à monter à cheval. En traversant les appartements, il observa que les domestiques étaient occupés à tendre la grande salle en draperies noires, cérémonie qui, dit-il, avait eu lieu lorsque l’immortel Gustave-Adolphe était sur son lit de parade dans le château de Wolgast, ce qui, à ses yeux, était la preuve du plus grand et du plus profond chagrin.

Lorsque Dalgetty fut monté à cheval, il se vit escorté ou plutôt gardé par cinq ou six Campbells bien armés, commandés par un autre montagnard qui, par la large qu’il portait derrière son épaule, la plume de coq placée sur son bonnet, aussi bien que par son air d’importance, avait droit au rang de Dunniewassel, c’est-à-dire de l’un des premiers hommes du clan ; et en effet, d’après la dignité de son maintien, il ne pouvait pas être moins

  1. Un serment oblige à la confiance. — À cette époque, les militaires dissertaient avec toute la susceptibilité des légistes ou des théologiens sur ce qu’ils appelaient le point d’honneur.
    Après la déroute de Retoxeter, sir James Turner fut fait prisonnier par un officier anglais : celui-ci lui demanda sa parole de ne pas sortir de Hull sans permission. Sir James voulut qu’en échange de cette promesse, on lui ôtât ses gardes, car fides et fiducia sunt relativœ. « J’en agis ainsi avec lui, remarque-t-il, parce que je savais qu’il avait étudié… » L’officier anglais ne trouva rien à répondre à cet argument ; mais Cromwell, dont la logique était très-serrée, répondit : « Sir James Turner sera mis aux fers, à moins qu’il ne donne sa parole. » (Voyez les Mémoires de Turner, p. 80.)