Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/440

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à vos reproches ; car je n’ai point parlé de ces turpes personœ[1] comme si leur métier et leur caractère étaient un sujet convenable de conversation en présence de cette dame, mais purement per accidens, pour donner un exemple, dans le cas présent, de leur courage et de leur audace naturels, rehaussés, sans aucun doute, par l’état désespéré de leur condition. — Major, » dit sir Duncan Campbell pour couper court à cet entretien, « je dois vous dire que j’ai quelques affaires à terminer ce soir, afin de pouvoir monter à cheval demain matin et me rendre à Inverary avec vous ; ainsi donc… — Monter demain à cheval pour voyager avec cet homme ! dit son épouse ; tel ne peut être votre dessein, sir Duncan, à moins que vous n’ayez oublié que demain est un triste anniversaire consacré à une solennité non moins triste. — Je ne l’ai point oublié ! jamais je ne pourrais l’oublier. Mais des circonstances impérieuses me commandent d’envoyer cet officier à Inverary sans perdre de temps. — Oui, mais non pas que vous l’accompagniez en personne, répliqua la dame. — Il vaudrait mieux que je le fisse ; cependant je puis écrire au marquis, et le rejoindre le jour suivant. Major Dalgetty, je vous remettrai pour le marquis d’Argyle une lettre dans laquelle je lui ferai connaître le caractère dont vous êtes revêtu et votre mission ; ainsi préparez-vous, s’il vous plaît, à partir pour Inverary demain matin de bonne heure. — Sir Duncan, je suis bien certainement à votre disposition ; néanmoins, je vous prie de vous rappeler la tache qui souillera votre écusson si, malgré mon caractère de parlementaire, n’importe comment, clam, vi, vel precario[2], il m’arrivait quelque mal, je ne dis pas de votre consentement, mais faute des précautions que vous auriez dû prendre pour le prévenir. — Vous êtes sous la sauvegarde de mon honneur, monsieur, et c’est une sûreté plus que suffisante. Maintenant, continua-t-il en se levant, je dois donner l’exemple de la retraite. »

Dalgetty se vit obligé d’obéir à cette intimation, quoique l’heure fût peu avancée. Mais, en général habile, il mit à profit tous les instants qu’il put gagner,

« Plein de confiance en votre honorable parole, » dit-il en remplissant sa coupe, « je bois à votre santé, sir Duncan, et à la durée de votre honorable maison. » Un soupir fut la seule réponse que lui fit le chevalier. « Vous aussi, madame, » continua-t-il remplis-

  1. Femmes éhontées. a. m.
  2. par ruse, par force, ou par accidents. a. m.