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cils gris, jusqu’à ce qu’ils cachassent presque ses yeux, dans les paupières desquels on voyait rouler quelques larmes. Il resta silencieux et immobile dans cette attitude une minute ou deux après que la dernière note eut cessé de faire vibrer la corde ; alors, levant la tête, il regarda Annette Lyle, comme s’il avait voulu lui parler ; puis, changeant tout à coup d’idée, il allait adresser la parole à Allan, lorsque la porte s’ouvrit, et le maître du château parut dans l’appartement.






CHAPITRE X.

dalgetty au château de duncan.


Durant leur voyage, le jour était obscur et sombre ; la colline avait un air sauvage ; le chemin était douteux : plus noir, plus obscur et plus douteux encore parut à leurs yeux le château qui les reçut.
Les voyageurs, conte.


Angus Mac-Aulay était chargé d’un message dont il lui semblait difficile de s’acquitter. Ce ne fut qu’après avoir tourné sa phrase de différentes manières et s’être plusieurs fois repris qu’il fit enfin connaître à sir Duncan Campbell que le cavalier qui devait l’accompagner l’attendait, et que tout était préparé pour son retour à Inverary[1]. Sir Duncan se leva d’un air indigné, et l’affront que lui faisait éprouver ce message effaça subitement de son souvenir la sensibilité que la musique y avait éveillée.

« Je ne m’attendais guère à une pareille conduite de votre part, » dit-il en lançant un regard d’indignation à Angus Mac-Aulay. « Non, je ne m’attendais pas qu’un chef des Highlands de l’ouest, soumis aux ordres d’un Saxon, ordonnerait au chevalier d’Ardenvohr de quitter son château lorsque déjà le soleil a passé le méridien, et avant que sa coupe ait été remplie une seconde fois. Mais, adieu ; la nourriture offerte par un rustre ne satisfait point l’appétit. Lorsque je reviendrai à Darnlinvarach, ce sera avec une épée nue d’une main, et une torche de l’autre. — Et lorsque vous viendrez ainsi, dit Angus, je m’engage à vous bien accueillir, quand même vous amèneriez avec vous cinq cents Campbells, et à vous faire, à vous ainsi qu’à eux, une telle réception que vous ne vous plaindrez pas une seconde fois de l’hospitalité de Darnlinvarach. — Gens menacés vivent long-temps, reprit sir Duncan. Votre goût prononcé pour les fanfaronnades, laird Mac-

  1. Château du duc d’Argyle. a. m.