Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/427

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sir Duncan, » répliqua Allan d’un air sombre : « la main de fer de la destinée imprime comme avec un fer chaud notre sort sur notre front, long-temps avant que nous puissions pousser un soupir, ou lever un doigt pour nous défendre. S’il en était autrement, par quels moyens le Voyant connaîtrait-il l’avenir à l’aide de ces présages qui comme des ombres frappent les yeux, soit pendant la veille, soit pendant le sommeil ? Rien n’arrive que ce qui doit nécessairement arriver[1]. »

Sir Duncan Campbell allait répondre, et les points de métaphysique les plus obscurs et les plus contestés allaient être mis en discussion entre deux controversistes highlandais, lorsque la porte s’ouvrit ; et Annette Lyle entra dans la salle, sa clairshach en main. La liberté d’une jeune fille des Highlands se faisait voir dans ses pas et dans ses yeux. Car, habituée à la plus grande intimité avec le laird Mac-Aulay et son frère, avec lord Menteith et les autres jeunes gens qui fréquentaient Darnlinvarach, elle n’avait rien de cette timidité qu’une femme élevée presque exclusivement parmi des personnes de son sexe aurait ressentie ou pensé devoir affecter en pareille circonstance.

Son costume avait quelque chose d’antique, car les modes nouvelles pénétraient rarement dans les Highlands, et elles seraient difficilement parvenues dans un château habité principalement par des hommes dont la seule occupation était la guerre et la chasse. Cependant les vêtements d’Annette étaient non seulement de bon goût, mais riches. Son justaucorps ouvert, avec un haut collet, était fait d’un drap bleu artistement brodé, et des agrafes d’argent servaient à le fermer à volonté. Ses manches larges ne descendaient pas plus bas que le coude, et se terminaient par une frange d’or. Ce surtout, si on peut l’appeler ainsi, recouvrait un autre justaucorps de salin bleu, aussi richement brodé, mais d’une teinte plus pâle ; il était fait d’une étoile de tartan en soie, où la couleur bleue dominait, ce qui l’empêchait de produire l’effet désagréable qui résulte du mélange et de la brusque opposition des couleurs dans les étoffes ordinaires de ce genre. Une antique chaîne d’argent entourait son cou, et supportait le wrest ou la clef avec laquelle elle accordait son instrument. Au-dessus du collet de son justaucorps s’élevait une petite fraise qui était fixée par une épingle de quelque valeur, souvenir que lord Menteith lui avait laissé depuis long-temps. Les tresses de ses blonds che-

  1. Ceci répond à la phrase des musulmans : Cela était écrit. a. m.