Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/404

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me pressez pas davantage ; je ne puis, je ne veux accepter un don d’une valeur si considérable. — Choisissez donc, dit Allan ; votre délicatesse peut être bien fondée : ces autres prendront une forme sous laquelle ils pourront vous être utiles. — Ne pensez pas à cela, » dit Annette en choisissant la bague qui avait le moins de valeur ; « gardez-les pour votre fiancée ou pour celle de votre frère. Mais grand Dieu ! » dit-elle en s’interrompant, « quelle bague ai-je donc choisie ? »

Allan se hâta de la regarder avec une sombre appréhension ; elle portait en émail une tête de mort au-dessus de deux poignards en croix. Lorsque Allan eut reconnu la devise, il poussa un soupir si profond, qu’Annette laissa échapper la bague qu’elle tenait ; elle roula sur le plancher ; lord Menteith la ramassa, et la rendit à Annette qui n’était pas encore revenue de sa frayeur.

« Je prends Dieu à témoin, dit Allan, que c’est votre main, milord, et non la mienne, qui lui a rendu ce présent de mauvais augure. C’était la bague de deuil que ma mère portait en mémoire de son frère assassiné. — Je ne crains pas les présages, » dit Annette, un sourire venant se mêler à ses larmes ; « et rien de ce qui me vient des mains de mes deux protecteurs (c’est ainsi qu’elle avait coutume d’appeler lord Menteith et Allan) ne peut porter malheur à la pauvre orpheline.

Elle mit la bague à son doigt, et accordant sa harpe, elle chanta sur un air très-gai les vers suivants d’une des chansons à la mode de cette époque, qui, avec toutes les grâces hyperboliques du temps du roi Charles, était parvenue de quelque mascarade de la cour jusque dans les sites sauvages du Perthshire :


Des astres que fait la présence ?
Sage amoureux, vous les voyez en vain ;
Ils n’auront aucune influence.
De la vieillesse et de l’adolescence
Voulez-vous lire le destin ?
Observez mon Hélène et son regard divin.

Téméraire astrologue, arrête !
Trop cher ce serait acheter
Une prescience indiscrète ;
Car chacun ne peut éviter
Le mal qu’au prochain il apprête.


« Elle a raison, Allan, dit lord Menteith ; et la fin de cette vieille chanson vaut tout ce que nous gagnerions à connaître l’avenir par vos efforts. — Elle a tort, milord, dit Allan d’une voix sévère ; et quoique vous traitiez si légèrement les avis que je vous