Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/391

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« Cette femme infortunée accoucha à terme d’un garçon qui non seulement ne paraissait pas avoir souffert des malheurs de sa mère, mais qui semblait être un enfant d’une force et d’une santé peu commune. Après ses couches, la malheureuse mère recouvra sa raison, du moins en grande partie, mais jamais sa gaieté et sa santé. Allan était sa seule joie. Elle veillait sur lui avec une sollicitude qui ne se démentit jamais ; et, sans aucun doute, elle imprima dans son jeune esprit bon nombre de ces idées superstitieuses qu’un caractère rêveur et enthousiaste le disposait si bien à recevoir. Il avait environ dix ans lorsqu’il la perdit. Ses dernières paroles furent pour lui ; elle les lui adressa en particulier ; mais on ne peut douter qu’elles ne continssent un ordre de la venger des Enfants du Brouillard, ordre qui ne fut que trop bien exécuté.

« Depuis ce moment les habitudes d’Allan Mac-Aulay changèrent totalement. Jusque-là il avait constamment tenu compagnie à sa mère, écoutant ses songes, lui racontant les siens, et nourrissant son imagination, qui probablement était déjà dérangée par les circonstances qui précédèrent sa naissance, de ces farouches et terribles superstitions si communes aux montagnards, et auxquelles sa mère était devenue plus accessible depuis la mort de son frère. En vivant de cette manière, l’enfant était devenu farouche et timide ; il avait l’air égaré, aimait à se cacher dans les solitudes du bois, et n’était jamais plus effrayé que par l’approche d’un enfant de son âge. Je me rappelle que dans une visite que mon père fit au château, il m’amena avec lui, et quoique plus jeune qu’Allan, je n’ai jamais pu oublier l’étonnement avec lequel je vis cet enfant sauvage éviter toutes les tentatives que je faisais pour l’engager dans les jeux naturels de notre âge. Je me souviens aussi que son père comparait son caractère au mien, et disait en même temps qu’il lui était impossible de retirer à sa femme la société de cet enfant qui semblait être pour elle la seule consolation qui lui restât sur la terre, et que le charme qu’elle trouvait dans la compagnie d’Allan paraissait prévenir le retour, au moins dans toute sa force, de cette terrible maladie qu’elle avait déjà eue.

« Mais après la mort de sa mère, les habitudes et les manières de l’enfant changèrent tout à coup. Il est vrai qu’il resta pensif et sérieux comme auparavant ; et de longs accès de silence et de rêverie montraient clairement que sous ce rapport son caractère n’était nullement changé. Cependant il se rendait quelquefois aux