Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/390

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« Chaque baron, dit-il, jura de tirer vengeance de ce crime atroce. Ils prirent les armes avec les parents et le beau-frère de la victime, et donnèrent la chasse aux Enfants du Brouillard, avec autant de cruauté, je pense, que ceux-ci en avaient montré eux-mêmes. Dix-sept têtes, trophées épouvantables de leur vengeance, furent distribuées entre les alliés, et servirent de pâture aux corneilles au-dessus des portes de leurs châteaux. Ceux qui échappèrent au carnage cherchèrent une retraite plus sûre dans des endroits plus éloignés. — À droite, contre-marche et à vos premières places, » dit le capitaine Dalgetty, la dernière phrase de lord Menteith lui faisant prononcer cette formule de commandement militaire correspondante, et se levant, il assura qu’il avait été très-attentif à tout ce qui avait été dit.

Sans s’inquiéter de son apologie, lord Menteith continua : C’est la coutume en été d’envoyer les vaches aux pâturages dans les montagnes, afin qu’elles puissent paître l’herbe nouvelle, et les filles du village et les servantes s’y rendent pour les traire soir et matin. Un jour que les servantes de cette maison étaient occupées de ce travail, elles s’aperçurent, à leur grande terreur, que leurs mouvements étaient surveillés à quelque distance par une figure pâle, maigre et grande, qui avait une étonnante ressemblance avec leur maîtresse défunte, et qu’elles prirent naturellement pour son ombre. Quelques-unes des plus hardies résolurent d’aborder cette forme flétrie ; mais, à leur approche, elle s’enfuit dans le bois en poussant des cris sauvages. Le mari, informé de cette circonstance, se rendit dans le vallon avec quelques serviteurs, et prit si bien ses mesures qu’il coupa la retraite à cette infortunée fugitive, et s’assura de la personne de sa malheureuse femme. Son esprit était totalement dérangé. Comment elle avait vécu pendant tout le temps qu’elle erra dans le bois, c’est ce qu’on ne put savoir ; quelques-uns supposèrent qu’elle s’était nourrie de racines et de fruits sauvages, dont les bois sont remplis dans cette saison ; mais la majeure partie du vulgaire voulut qu’elle eût vécu seulement du lait des brebis sauvages, ou qu’elle eût été nourrie par des fées, ou de toute autre manière également merveilleuse. Sa réapparition était plus facile à expliquer ; elle avait vu, des buissons où elle se cachait, les servantes traire les vaches : surveiller cet ouvrage avait été autrefois son occupation favorite, et l’habitude l’avait emporté sur l’état dérangé de son esprit.