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CHAPITRE V.

le récit.


Par-là il devint si terrible et si épouvantable, que son propre père, qui connaissait son déguisement, tremblait souvent à son horrible vue. Dans la crainte qu’il ne lui arrivât malheur, il lui recommandait de ne pas mépriser les bêtes féroces, et de ne pas les provoquer ; car il voulait enseigner au lion à se coucher humblement devant lui, leçon bien difficile, et forcer le léopard à ne pas rugir lorsque dans sa rage il voulait se venger.
Spencer.


Malgré l’appétit gastronomique des Anglais qui, à cette époque, était déjà passé en proverbe en Écosse, les convives de Mac-Aulay furent éclipsés par le capitaine Dalgetty, quoique ce brave soldat eût déployé beaucoup de vigueur et de persévérance dans l’attaque qu’il avait dirigée sur les rafraîchissements qu’on lui avait offerts à son arrivée. Il ne dit pas un mot pendant tout le temps du dîner, et ce ne fut que lorsque les mets furent près d’être enlevés qu’il donna au reste de la compagnie, qui l’avait regardé avec quelque surprise, un exposé des raisons pour lesquelles il mangeait si vite et si long-temps.

« Il avait acquis la première qualité, disait-il, lorsqu’il avait une place à la table des boursiers au collège Mareschal à Aberdeen, à laquelle, si on ne remuait pas ses deux mâchoires aussi vite qu’une paire de castagnettes, on risquait bien de ne rien avoir ; et quant à la quantité d’aliments, je ferai connaître à l’honorable compagnie, continua le capitaine, que c’est un devoir pour tout commandant de forteresse, dans toutes les occasions qui lui sont offertes, de s’assurer autant de munitions et de vivres que ses magasins peuvent en contenir, ne sachant pas quand il aura à soutenir un blocus ou un siège. C’est dans ces principes, messieurs, qu’un cavalier qui trouve une provende bonne et abondante, doit, selon moi, s’approvisionner sagement pour trois jours au moins, ne sachant pas quand il trouvera d’autres vivres. »

Le laird lui exprima qu’il reconnaissait comme lui la prudence de ce principe, et recommanda au vétéran d’ajouter une tasse d’eau-de-vie et un flacon de claret aux provisions qu’il avait déjà faites, offres auxquelles le capitaine se rendit facilement.

Quand le dîner fut desservi et les domestiques retirés, excepté le page ou benchman du laird, qui resta dans l’appartement pour